LEAGUE OF DISTORTION – Interview avec Anna « Ace » Brunner

Deux ans après un premier album éponyme, la formation allemande LEAGUE OF DISTORTION présente aujourd’hui Galvanize. A sa tête, on retrouve la chanteuse et compositrice Anna Brunner, alias Ace, découverte au sein du groupe de metal symphonique Exit Eden. Avec League of Distortion, ses fans la retrouve dans un style bien différent aux sonorités modernes et diverses. Un projet très personnel pour Ace qui lui offre un espace de création en toute liberté et une communauté soudée.

Crédit photo : Janis Hinz

Bonjour Anna, je suis très contente de pouvoir discuter avec toi ! Toutes mes félicitations pour la sortie de votre nouvel album ! Quels sont les retours pour l’instant ? Est-ce que tu es allée regarder les chroniques d’albums dans la presse, et les commentaires des fans ?

Oui, pour être honnête, je vérifie un peu les retours, et comme nous avons un groupe WhatsApp, on s’écrit, « hé, il y a quelque chose de nouveau ici, il y a ceci, cela ». Mais nous sommes déjà tellement occupés à planifier tout pour la tournée en tête d’affiche… J’ai aussi reçu tellement de messages personnels via Instagram. C’est quelque chose qui signifie beaucoup pour moi, les gens me montrent que les chansons leur apportent quelque chose, qu’elles les rendent plus forts, et ils partagent cela avec moi.
Et puis cela me montre, comme à chaque fois qu’il y a une difficulté avec l’écriture de chansons ou l’album, que c’est pour ça que je fais ça. Et bien sûr, les critiques positives, c’est génial, c’est bien pour toute la scène, de voir que les gens aiment notre deuxième album.

Peux-tu nous parler de la création de League of Distortion pour ceux qui vous découvrent aujourd’hui ?

Et bien, j’ai commencé le groupe pendant le COVID, pendant les confinements, fin 2020, début 2021. J’avais déjà l’idée de ce groupe des années auparavant, j’avais déjà le bassiste et le batteur, ils étaient prêts. Ils me disaient, « quand tu le feras, on sera là ». Mais j’avais tellement d’autres choses en cours, d’autres groupes et projets, des tournées et des apparitions en tant qu’invitée… Parfois tu ne trouves tout simplement pas le temps pour ce qui est vraiment important pour toi, tu vois ? Les autres choses étaient géniales aussi, mais je voulais vraiment avoir et réaliser un projet vraiment personnel. Et puis pendant les confinements, quand toutes les tournées et tout ont été annulées, je me suis dit, ok, c’est le moment ! Maintenant je peux, et maintenant je dois m’asseoir et vraiment travailler sur ces idées qui me trottent dans la tête depuis des années. C’est à ce moment-là que tout a commencé, puis j’ai commencé à travailler sur les chansons, puis nous nous sommes réunis avec nos producteurs.

Et c’est aussi à ce moment-là que j’ai demandé à Jim Müller de Kissin’ Dynamite, maintenant aussi Arro dans League of Distortion, s’il voulait faire partie du groupe. Ayant déjà un groupe à succès, je ne savais pas s’il aurait le temps pour un autre groupe. Mais en écoutant les premières idées de chansons que j’ai eues, il était comme, « ouais, complètement. C’est tellement différent. C’est tellement lourd. C’est tellement bon. J’adorerais en faire partie « . Et maintenant, nous sommes une équipe tellement géniale. Nous avons déjà parcouru un si long chemin en si peu de temps. C’est juste incroyable.

Peux-tu m’en dire plus sur l’éventuel concept de cette league, League of Distortion ? Chacun des membres a un surnom. Tu es Ace. Qui est Ace, est-elle ton alter ego ?

Oui, un peu. Eh bien en fait, nous avons eu tellement de temps pour réfléchir au groupe pendant les confinements. Je me souviens que nous avons eu de nombreuses réunions Zoom. J’ai eu de nouvelles idées et je les ai partagées avec les garçons. Le nom du groupe a été, bien sûr, la première chose difficile à trouver. Mais nous avons trouvé ce mot, League, assez rapidement, parce que nous voulions nous réunir. Jim et moi venons de deux groupes. Nous nous réunissons dans League of Distortion. Et nous voulons créer une ligue avec non seulement le groupe, mais aussi l’équipe et les fans. Et nous avons même eu un fan club très, très tôt avant d’annoncer notre existence, sur Instagram ! Nous étions : « wow, nous avons un fan club, mais comment savent-ils ? » Mais cela m’a montré qu’il y a des gens qui veulent en faire partie, et je veux aussi construire cette communauté. Les paroles et les thèmes de l’empowerment et de la force collective sont quelque chose que je ne veux pas seulement avoir dans la musique, mais aussi dans la présence au sein du groupe.

Les noms de League étaient juste une idée supplémentaire de devenir une personne à laquelle on veut ressembler, et aussi d’avoir une différence entre moi, Anna Brunner en tant qu’auteur-compositeur, qui écrit des chansons pour d’autres groupes ou dans Exit Eden, et Ace dans League of Distortion, qui est peut-être la personne que je veux être ou devenir.
Et je me rapproche d’être elle, de cet Ace tous les jours. Et quand je suis sur scène, c’est différent d’entrer dans cet état d’esprit et dans cette personnalité. Et c’est aussi drôle avec Jim, je l’appelle souvent Arro, juste sur WhatsApp, quand j’ai des questions sur League of Distortion. Et je pense que ça l’aide aussi de savoir, « OK, on parle de LOD parce qu’elle m’appelle Arro, et pas Jim ». Donc ça aide en quelque sorte à séparer tous les projets que nous faisons, pour moi du moins !

Vous avez sorti votre premier album League of Distortion il y a deux ans. Avez-vous changé quelque chose dans votre processus d’écriture pour Galvanize ? Je suppose le premier a été écrit pendant le COVID, c’était différent cette fois-ci ?

Oui, c’était très différent, bien sûr, parce que pendant le COVID, tout était à l’arrêt et nous pouvions nous concentrer presque uniquement sur les idées, l’écriture et la production. Et cette fois, nous étions beaucoup sur la route, en fait. Nous avons donc eu la tournée avec Cypecore, nous avons eu des festivals avant, nous avons eu des festivals après. Et c’était plus du genre, nous devons nous réunir avec nos producteurs parce que nous avions des idées et nous devions commencer à les mettre en place.
Je veux dire, c’est génial que nous soyons souvent sur la route et que nous ayons eu des concerts et des choses en cours, mais c’était un processus différent. Mais c’était aussi très agréable de pouvoir être ensemble lorsque nous travaillions sur les idées ou obtenions de nouveaux mixages ou de nouvelles mises à jour de nos chansons ou de nos productions. Donc c’était aussi bien.

Ce que l’on remarque en premier lieu, c’est le mélange d’influences, surtout dans ce nouvel album. Est-ce important pour toi d’apporter ces nouvelles influences ? Par exemple, je pense à la chanson « What’s Wrong With Her ».

Oui, en fait, on a fait ça aussi pour le premier album, mélanger les styles et sortir de la zone de confort du metal, prendre des boucles ou des rythmes ou des éléments pop. Cela signifie ne pas me limiter davantage. Si j’ai une idée avec une partie plus rap, alors j’y vais. Parfois, les styles sont encore plus fous et les producteurs se disent qu’on doit faire un peu de ménage et qu’on ne peut pas mettre de tout partout ! Mais c’est sympa de pouvoir sortir des chansons comme « What’s Wrong with Her », ou aussi « My Enemy », où le premier refrain a un vrai break hip hop, et qu’on se demande « mais qu’est-ce qu’ils font ici ? ». J’adore ça. C’est une liberté pour moi en tant qu’autrice-compositrice et musicienne. Et pourtant, je pense que c’est toujours du heavy et du metal. Et je pense aussi que notre communauté metal est ouverte d’esprit. Peut-être qu’il faut l’écouter deux ou trois fois, peut-être que certaines personnes n’aiment pas ce mix, mais il faut quand même être assez ouvert d’esprit pour dire que c’est plutôt cool.

Toujours à propos de « What’s Wrong With Her », peux-tu m’en dire plus sur les paroles ? Je crois que tu évoques le manque de soutien entre femmes.

Exactement. Cela parle du comportement envieux et compétitif, pas compétitif, mais négatif. Comme quand vous pensez que quelqu’un ne mérite pas de réussir ou quelque chose comme ça, mais que vous n’êtes pas franc, que vous ne parlez pas du vrai problème. Parce que parfois, je pense que les hommes sont plutôt du genre à se dire les choses directement, ou alors ils se battent, puis ils en parlent, et c’est réglé. Mais parfois, les femmes ne parlent tout simplement pas de certaines choses. Et puis il y a des situations qui pourraient être résolues simplement en en parlant, et pas dans votre dos : « Qu’est-ce qui ne va pas chez elle ? Vous avez vu ça ? ». Ces ragots, je déteste. Et j’ai eu beaucoup, beaucoup de chance avec les femmes avec lesquelles je travaille. Mais bien sûr, j’en ai fait l’expérience aussi. Et j’ai aussi des amies qui me racontent des histoires où je me dis : est-ce que ça arrive vraiment ? Si nous pouvions être honnêtes et vulnérables ou dire ce que nous ressentons, il n’y aurait pas de problème. Et puis, il faut aussi être heureux du succès de quelqu’un d’autre, parce qu’il l’a probablement mérité et qu’il a probablement travaillé dur pour cela. Et c’est un sentiment bien plus agréable d’être simplement heureux pour quelqu’un que d’être envieux !

On parle souvent, tu sais, des femmes dans le metal, qu’elles peuvent être mal perçues par les hommes. Mais peut-être qu’il y a aussi ce manque de soutien entre femmes ?

Je ne sais pas. Je pense qu’elles se soutiennent. Quand je suis arrivée sur la scène metal avec Exit Eden en 2017, j’ai eu l’impression que les femmes se tenaient ensemble. J’avais l’impression qu’elles collaboraient, qu’elles faisaient des choses ensemble. Et ce n’était pas comme, « oh mon dieu, ne la regarde pas elle, mais regarde-moi ». Je pense donc que c’est peut-être aussi parce que nous sommes une minorité dans le metal. C’est donc bien de dire, allez, travaillons ensemble, car nous pouvons alors aller plus loin que si nous nous pointons également du doigt et que chacune essaie de se battre seulement pour elle-même. Je pense que dans la scène metal, c’est très positif la façon dont les femmes travaillent ensemble et se soutiennent mutuellement.

Quel sera le message général, s’il y en a un, dans les paroles de l’album ? Quelle est la signification de Galvanize en tant que titre d’album ?

Je pense que le message général est toujours l’empowerment, l’émancipation. Il y a bien sûr aussi des sujets profonds, des sujets sur le monde et sur des choses qui vous rendent fou ou triste, ou parfois même qui vous font sentir engourdi, parce qu’il se passe tellement de choses terribles en ce moment. Mais je veux donner aux gens le pouvoir de ne pas abandonner et de savoir que nous ne sommes pas seuls. Il y a encore des gens bien ici. Et si nous nous unissons et si nous nous soutenons aussi les uns les autres, nous pouvons nous sentir mieux et nous pouvons peut-être changer le monde en un endroit meilleur qu’il ne l’est actuellement. Ce serait peut-être le sujet principal.
Dans certaines chansons, il y aussi des sujets personnels comme « What’s Wrong With Her » et « Suck My Blood » qui sont sur des histoires personnelles ou les relations toxiques. Et c’est aussi quelque chose lorsque vous vous en libérez, cela vous rend plus fort et vous rend heureux à nouveau. C’est aussi de l’empowerment de ne pas simplement abandonner ou tomber dans le désespoir parce que les choses vont mal.
Le mot galvanize a aussi pour moi un sens large. Il s’agit de réveiller les gens, d’inspirer les gens, les secouer de façon à les rendre plus forts, les libérer de ce qui les retient. C’est un peu similaire à ce sujet principal et c’est aussi un peu ce que représente League of Distortion. Trouver ce titre, prendre ce mot et le faire correspondre à ce que nous voulions exprimer, c’était idéal pour nous.

J’ai toujours remarqué que tes paroles, peut-être la façon dont tu chantes aussi, mais que les mots que tu choisis sont assez directs, bruts. Peut-être un peu provocateurs parfois.

Absolument. C’est comme ça que nous aimons travailler. Nous aimons provoquer. Nous voulons déformer les gens, les secouer, les faire utiliser leur esprit et réfléchir, se demander « est-ce qu’ils voulaient dire ça » ? Je crois qu’en choquant, en provoquant, c’est comme ça que tu attires l’attention des gens. Et puis ils creuseront plus profondément et alors, espérons-le, ils comprendront ce que nous voulions vraiment dire.

Vous avez sorti plusieurs clips vidéo, il y a par exemple « My Hate Will Go On » où on voit une version petite de toi !

C’est aussi une chanson où nous aimons provoquer, rien qu’avec le titre, avec la référence à Titanic avec « My Heart Will Go On ». Nous aimons ce genre de choses. Mais nous ne voulons pas que les gens pensent que League of Distortion parle de haine, parce que nous pensons que lorsque les gens se détestent et cherchent à se venger, il y a un effet boule de neige et tout empire.
Et puis il y a cette haine qui se répand de plus en plus. C’est pourquoi nous avons également fait cette vidéo pour montrer une sorte de film de vengeance, chose que j’adore. J’adore les films comme ça. Mais bien sûr, cela n’a pas de sens de chercher à se venger. Et puis à la fin, tout le monde meurt. Personne n’a rien à y gagner. L’histoire de ce moi petite qui voit comment ses parents sont assassinés et qui cherche ensuite à se venger, travaillant toute sa vie pour ça. Mais en montrant à la fin avec les mots, que la haine n’est pas la bonne voie, que ce n’est pas la bonne façon de gérer la haine. Nous aimons souligner nos messages avec nos clips, provoquer un peu, pour que les gens pensent par eux-mêmes.

Est-ce quelque chose que tu aimes aussi, tourner dans les clips ? Par exemple, sur votre dernière vidéo, « Crucify Me » on te voit avec le look de l’artwork, avec le maquillage et tout ça.

Oui, absolument. Pour les premières vidéos, j’étais très nerveuse parce que je voulais juste faire du bon travail. Et puis bien sûr, la première vidéo était avec deux loups, c’était un peu quelque chose qui rend nerveux aussi, parce que vous ne voulez pas qu’ils vous mangent ! Mais évoluant là-dedans et remarquer que les clips soulignent notre message et mes paroles, et ce que nous représentons, est quelque chose qui est devenu de plus en plus amusant pour moi.
De plus, nous avons une super équipe avec des gens qui partagent notre vision et avec des gens avec qui nous pouvons parler. Nous avons le make-up artist Kami Zero, qui a été présent sur presque tous les tournages de vidéos pour me maquiller et m’aider à concrétiser ma vision. Je n’aurais jamais pensé que j’aurais quelque chose comme ça.
Etre actrice dans mon propre film, si j’avais su à l’époque, quand j’étais enfant, que je ferais ça, j’aurais probablement dit, non, pas question ! Mais j’adore vraiment ça. C’est vraiment spécial en tant qu’artiste de pouvoir faire ça. League of Distortion signifie tellement pour moi, le message, la ligue et tout ce que nous voulons accomplir. Je suis vraiment reconnaissante que tout cela fonctionne si bien.

Je voulais aussi revenir sur votre morceau qui comporte un featuring : peux-tu me parler de « In Our DNA » ?

Oui, c’est en fait une chanson sur laquelle j’ai fait beaucoup de recherches. Il s’agit de la nature en opposition à l’éducation, plus précisément du problème psychologique des gens fous ou mauvais et de leurs cerveaux. Ces criminels, psychopathes ou meurtriers, pourquoi ils font cela, comment ils sont devenus ce qu’ils sont, comment leurs cerveaux se sont développés. Et puis il y a cette thèse selon laquelle certaines personnes sont vraiment nées avec un cerveau fou, et pour certaines l’apprennent en grandissant. J’ai fait beaucoup de recherches sur ce sujet, c’était très intéressant pour moi, parce que j’aime aussi recevoir de nouvelles informations et plonger dans de nouveaux domaines et essayer de comprendre des choses auxquelles certaines personnes ne pensent peut-être même pas. Et mettre cela dans les paroles, encore une fois, dans la manière provocatrice dont League of Distortion travaille. Elle dit que c’est « enraciné dans notre ADN, nous sommes fous, nous sommes des mauvaises personnes ». Nous avons notre partenaire de Cypecore, avec donc une femme et un homme qui chantent sur cette chanson. J’aime cette petite provocation. Et chacun peut avoir sa propre opinion là-dessus, bien sûr.

Ma dernière question portera donc sur la tournée à venir en Allemagne. Je pense donc que ce sera votre première tournée en tête d’affiche. C’est donc une belle opportunité, je suppose. Es-tu plus excitée ou stressée ?

Absolument. À la fois excitée et stressée ! Mais de plus en plus impatiente, et très heureuse parce que nous pouvons vraiment planifier cela nous-mêmes. Nous pouvons décider des chansons que nous jouerons et de tout le show. Nous avons eu le temps de réfléchir aux groupes de premières parties que nous voulons avoir avec nous sur cette tournée, nous voulons aussi donner l’opportunité aux petits groupes de se faire connaître, d’attirer l’attention. Et c’est en quelque sorte une responsabilité que nous avons, je pense.
Et oui, chaque jour qu’il y a de nouvelles choses auxquelles penser, de nouvelles idées, et il y a un nouveau planning. Ca va commencer dans deux semaines donc il va falloir en finir avec nos plans ! Nous avons hâte de mettre tout ça en scène.
Et aussi, tu sais, de voir qui est là. Nous avons fait quelques concerts en tant que support, nous avons participé à des festivals et nous voyons toujours les mêmes personnes. Maintenant, nous savons que vous êtes là vraiment pour nous. C’est un sentiment spécial. Et je pense que nous n’oublierons jamais cette première tournée. C’est vraiment très, très spécial.

Des projets pour l’Europe ensuite ? Et plus précisément la France ?

Oui, on a planifié et réfléchi à des choses, mais je ne peux rien partager pour l’instant. Mais je pense que la France n’est pas très loin, on devrait pouvoir faire ça. Peut-être une date de festival sinon. Ce serait plutôt cool.

Interview réalisée en visio le 30 octobre 2024. Merci à SLH Agency

LEAGUE OF DISTORTION – Galvanize

Sortie le 25 octobre 2024

Napalm Records

Flora

Rédactrice en cheffe et créatrice de Long Live Metal

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