Interview avec ARO ORA

La scène metal tourangelle se porte plutôt bien en ce moment, grâce à des musiciens et amateurs passionnés qui s’activent toujours plus pour la faire vivre. ARO ORA est sans doute le groupe référence de notre scène locale actuelle. Après l’EP Mahara (2015) et à l’album Wairua (2019), le quintet présente un nouvel album, The Twelfth Hour, marqué notamment par l’arrivée de Quentin Dabouis au chant et de Clément Douam à la basse. Rencontre avec ARO ORA, quelques heures avant leur concert au Bateau Ivre.

Crédit photo : Arnaud Fournier

Vous venez de sortir un nouvel album, The Twelfth Hour, disponible depuis le 22 mars 2024. Comment vous vous sentez par rapport à ça, et les premiers retours ?

Florent (guitare) : L’album est sorti vendredi dernier, on a pu déjà prendre une première température le lendemain à Châteauroux parce qu’on a joué avec Monolyth et Destinity et les nouveaux morceaux ont l’air de plutôt bien fonctionner en live. On a eu de très bons retours de chroniques.

On a un attaché de presse, Clément Duboscq à qui on fait un gros bisou au passage, qui bosse très bien, et on a pas mal de médias qui nous font de bons retours sur l’album. On a atterri dans une playlist Spotify éditoriale, Bleu Blanc Rage, donc ça c’est cool, ça veut dire aussi que ça intéresse la branche éditorialiste de Spotify. Après les retours qu’on a nous dans notre entourage sont pas toujours très objectifs parce que c’est notre entourage donc du coup ils nous disent que c’est bien !

Avant la sortie de cet album, vous avez sorti deux morceaux l’année dernière, « Long Live » et « Unsung Heroes », que l’on retrouve sur l’album, mais en bonus tracks. Pourquoi en bonus tracks, est-ce que vous les aviez sorties en guise de présentation des nouveaux membres, puisque le line-up a changé avec l’arrivée de Quentin au chant et Clément à la basse ?

Florent : Alors du coup c’est pas une histoire de line-up, c’est plus une histoire de temporalité. En fait on avait décidé de travailler avec Fabien Devaux qui est sur Poitiers en studio et qui fait souvent le mix et mastering. Il a toujours fait le mix et mastering de nos EP et albums, et on avait envie de sortir déjà de la nouveauté pour présenter le nouveau line-up l’année dernière, parce qu’on a eu un changement de line-up en 2020 et 2021 oui. Donc Quentin est arrivé au chant en 2020, et en 2021 Clément est arrivé à la basse. C’est vrai qu’il nous tardait de présenter un peu le nouveau line-up donc du coup on a décidé d’enregistrer deux morceaux. Ça nous a permis aussi vu que ces deux morceaux avec un accordage différent et une approche un peu différente dans l’écriture de pouvoir un peu avancer, de prémâcher un peu le travail en studio.

Alors pourquoi ils ont été notés en bonus track ? C’est parce qu’ils ont encore une fois une histoire de temporalité. Ils ont été écrits bien avant tout le reste de l’album et vu que le son n’est pas exactement le même, on voulait les présenter vraiment en bonus track. C’est pour ça qu’ils sont à la toute fin et pas en plein milieu de la tracklist de l’album.

Il y a aussi un petit morceau live aussi en fin d’album…

Florent : Ouais, là clairement c’est du bonus ! C’est un live de la Firemaster Convention en 2022 qu’on avait capté avec Impuls’ Live à la fin du set, donc l’énergie était chouette, et on aime bien ce morceau dans le premier album. Il a fait comme la passerelle avec le premier album et tout ce qu’on peut présenter maintenant sur pas mal de points, et le live était cool donc on s’est dit go, et puis joué par le nouveau line-up en plus.

Revenons à ce nouveau line up, qu’est-ce que ce changement a apporté au groupe? Est-ce que au sein du groupe de nouvelles influences, de nouvelles façons de travailler peut-être ?

Florent : Bien sûr ! Oui ça a apporté, ouvert des possibilités, ça a fait évoluer les choses parce qu’il y a deux membres qui ont d’autres influences. On a des influences communes, pas mal de choses dans pleins de styles différents, mais quand on écrit pour AO on a quand même pas mal d’influences communes.

Clément (basse) : Moi personnellement d’arriver dans le groupe, ça m’a permis de renouer avec mes premières amours qui était le metal et que j’avais un petit peu laissé de côté dans ma vie professionnelle de musicien, et en même temps ça me permettait de rejouer avec Quentin, on se connaît depuis très longtemps, ça fait depuis très longtemps qu’on fait de la musique ensemble. Et puis surtout, de travailler avec des gens très sérieux, qui jouent très bien. C’est beaucoup plus simple effectivement quand on a 16 ou 17 ans de monter un groupe et de se voir trois fois par semaine et jouer tout le temps. Plus on grandit, plus il se passe des choses dans nos vies, plus on a besoin que les gens soient bons, efficaces et savent ce qu’ils veulent, et moi ça m’a fait beaucoup de bien de retrouver ça, de savoir qu’indépendamment de ce qu’il se passe autour de nous, quand on allait se retrouver ça allait pouvoir aller droit, être efficace, et puis on s’est très vite et facilement connectés les uns aux autres.

Pour revenir à l’album, est-ce qu’il y a un concept, un thème qui ressort au niveau des textes ?

Clément : Oui il y en a beaucoup. Globalement c’est pas très joyeux. Mais le parti pris de cet album, c’est un petit peu de questionner que ce soit autant notre place en tant qu’artiste mais aussi notre place en tant que citoyen dans la société dans laquelle on vit sur la question de la non-violence, du pacifisme, de la tolérance ou de l’intolérance, des montées du fascisme, de cette société néolibérale qui nous écrase et de comment nous à notre petite échelle même très personnelle, on arrive à vivre ça et dans quelle mesure ça peut saper nos forces aussi.

C’est à dire que ça prend pas le parti pris de dire « on va triompher. Bienvenue le grand soir, c’est demain tout ça » ! Le propos c’est plutôt : comment on se sent dans les situations justement on n’a pas les forces d’affronter ça, d’essayer de trouver certaines lueurs d’espoir là-dedans mais surtout d’avoir cette espèce d’exutoire sur ces questions-là. J’aimerais avoir plus de force, j’aimerais y passer plus de temps. J’aimerais être plus actif, plus engagé. Des fois on se lève, on a la force de le faire, et des fois on se lève et on a pas du tout la force de le faire.

Et c’est des thèmes qui traversent un petit peu cet album-là justement. C’est que tous les jours on n’a pas la force. Tous les jours on est un peu résigné. En face ça avance tous les jours tous les jours tous les jours. Voilà. Le constat c’est que chaque jour sans combat est un mètre de terrain cédé. Ce me terrifie un peu.

Quentin (chant) : D’où le nom de l’album aussi qui s’appelle The Twelfth Hour. La douzième heure. La onzième heure c’est juste avant qu’on n’ait plus le temps de faire quoi que ce soit, et donc l’idée que c’est trop tard.

Vous avez sorti un clip aussi, pour « A People Defiled », avec un beau travail de réalisation, c’est presque un petit film !

Clément : Justement c’est le thème de ce clip-là, c’est comment, à l’intérieur d’une dynamique de musiciens entre eux qui essayent justement de travailler leur musique et de vivre ensemble, comment certaines personnes qui vont posséder les lieux et posséder les moyens de production vont arriver à créer la division à l’intérieur de ces musiciens. En donnant des ressources, en donnant du pouvoir, en donnant toutes ces petites choses qui font qu’on commence à sentir qu’on vaut peut-être un petit peu plus que l’autre. On commence à apprécier le fait de pouvoir dominer un petit peu l’autre et ce même dans des endroits qui sont très soudés, en prenant l’exemple de notre groupe. Même dans ces endroits-là, on peut justement créer cette division. Voilà, c’est un peu l’histoire de ce clip-là.

Pour continuer sur le visuel, votre pochette est signée Vaderetro, qui avait fait aussi le dernier l’artwork du dernier Hemeroplan entre autres. Vous avez choisi des artistes locaux.

Florent : Vaderetro on les connaît bien avec Antho, on fait des parties de five avec eux, on faisait du foot sur du synthétique. Donc ouais, est-ce que tu veux qu’on parle un petit peu de la thématique ?

On aime bien, je pense qu’on est tous d’accord là dessus, exposer des idées ou des choses comme dans le clip et que chacun et chacune puisse se faire un petit peu son idée. On a notre ligne directrice. On aime bien savoir aussi comment les gens vont le percevoir, notamment le clip. On a eu plein de retours différent, il y en a qui sont carrément dedans et d’autres ont fait, « Ah oui je n’avais même pas pensé à ça ».

Et pour le thème du visuel, c’est un peu ça. Beaucoup de gens me disent que c’est une jolie méduse. C’est pas du tout ça. C’est une cymatique. En fait les cymatiques, ce sont les formes que prennent les fréquences quand elles sont envoyées dans de l’eau ou sur du sable. Comment on a découvert ça ? On connaissait tous un petit peu quand on en a parlé. C’est quelque chose d’assez vieux, je crois que c’était dans les années 50-60. Des scientifiques qui ont pris du sable, qu’ils ont mis sur une plaque de fer, et ils envoyaient certaines ondes, certaines fréquences sur cette plaque, et en fonction des différentes fréquences, ça prenait telle forme et donc ils ont poussé le truc de plus en plus. On trouvait le concept assez original, ça rappelle un peu la synopsie aussi, le mélange de plusieurs sens. Je pars peut-être un peu loin là-dessus, mais en fait on s’appelle AO, Aro Ora mais AO également, et la lettre A0 a cette forme là et on a trouvé ça très esthétique. Ça nous a tout de suite parlé et on a envoyé la forme à Vadaretro et vu qu’ils sont trop forts, ils ont envoyé un croquis. On a fait : « c’est ça ! ». Juste quelques petites retouches… Franchement je tiens à le dire, merci encore a Vaderetro, ça a été l’échange le plus efficace possible. Par rapport à l’album d’avant où il y avait plus d’une centaine de mails d’échange parce que, c’était Alex Eckman-Lawn, qui est aux États-Unis et qui a dessiné beaucoup de choses. Il a vraiment un process de layering sur ces créations et nous on était très exigeants et du coup ça a duré très très longtemps. Et là pour le coup ça a été en one shot. Visuellement ça nous a tout de suite parlé et on est très satisfait.

Je suis contente d’avoir cette explication car je n’aurais jamais deviné tout ça ! Vous avez sorti l’album donc en autoproduction mais avec l’aide de vos fans. C’est important pour vous ces contributions ?

Florent : Oui complètement. En fait on s’est dit que c’était une opportunité de laisser pas mal de personnes prendre part à la production de l’album. Alors ça a été aussi sous forme, je mets des grandes guillemets, comme de grandes préventes. En fait on explique ce qu’il va se passer, la setlist et tout. C’était au moment où on allait en studio donc on savait très bien quel album allait être enregistré. Donc il y a plein de gens qu’on fait des dons libres sans contrepartie. Et pour beaucoup après c’est des vinyles, des t-shirts, des CD, et nous ça nous permet en fait d’être moins en flux tendu sur la trésorerie parce qu’on est en autoproduction justement. Voilà, donc merci encore une fois à toutes les personnes qui ont contribué parce que si l’album a pu voir le jour… Sans l’aide des contributeurs et des contributrices on aurait trouvé des solutions, mais ça aurait été plus compliqué clairement.

Clément : mais en tout cas on aurait sûrement pas la qualité qu’on a sur cet album, en terme de production on en est très très très contents.

Parlons rapidement de la date de ce soir donc au Bateau Ivre. Comment vous vous sentez ? Vous avez joué plusieurs fois ici déjà.

Florent : Effectivement, on a notre petit rendez-vous annuel ici, généralement en mars avril on joue au Bateau Ivre ! On est très impatients, très motivés, très comment dire, excités. Une date à la maison, dans une belle salle qu’est le Beau Ivre, avec l’historique qui la précède, c’est toujours chouette de pouvoir rejouer ici. Et avec First Draft et Parpaing aussi parce qu’ils sont nos potes et qu’ils ont agréablement accepté notre proposition de jouer avant nous…

Il y en a un qui va jouer deux fois ce soir (Clément est aussi le bassiste de First Draft).

Clément : Oui. Pour l’instant. (rires)

On verra ça ! Vous avez d’autres dates à venir, pour commencer il y a Artificial Waves, un nouveau festival metal à Tours le 14 juin.

Florent : C’est ça, avec Amaurosis, Revnoir, Purge of Sanity, Dust In Mind, Arch of Coven et Yerao. On a le Chato’do à Blois le 18 avril. On a Terres du Son le 14 juillet aussi et puis après d’autres choses qui sont en train de se mettre en place.

Donc vous avez autant un festival très métal que Terres du Son, ça va être complètement différent !

Florent : C’est aussi dans le cadre de notre accompagnement par la FRACAMA dans le cadre d’une dispositif d’accompagnement, le Propul’Son sur le Loir-et-Cher et c’est le Chato’do qui va nous accompagner sur ce dispositif, et d’où l’ouverture après au festival Terres du Son. Ce sera le même jour que Mass Hysteria. On joue pas avant Bigflo et Oli par exemple !

Interview réalisée le 29 mars 2024 au Bateau Ivre. Merci à ARO ORA, Vous Connaissez ? PR by Clément Dubosq et Hayokan Foundation.

ARO ORA – The Twelfth Hour

Modern Death Metal / Prog / Atmospheric Metal

Sortie le 22 mars 2024

ao-aroora.com

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