FRAYLE – Entretien avec Gwyn Strang

À l’occasion de la sortie du troisième album du groupe américain Frayle, « Heretics & Lullabies », la chanteuse Gwyn Strang a accepté de répondre à quelques-unes de nos questions. Elle évoque notamment le processus de création de ce nouvel opus, ses sources d’inspiration, ainsi que le rôle central que joue la notion de dualité dans l’univers du groupe.

« Heretics & Lullabies », votre troisième album, est sorti le 10 octobre dernier. Comment avez-vous vécu les jours qui ont précédé cette sortie ?

Gwyn : Nous sommes extrêmement enthousiastes à l’idée de dévoiler ce nouveau projet. Il faut toujours plus de temps que prévu pour tout préparer et trouver le bon moment pour le lancer, donc nous l’avons gardé sous le coude pendant un certain temps. Maintenant, nous sommes prêts à le laisser vivre sa vie !

Vous abordez dans vos textes des thèmes très personnels (chagrin amoureux, dépression, santé mentale). La musique est-elle pour vous un exutoire, une sorte de thérapie ?

Gwyn : La musique est, sans aucun doute, une forme de thérapie pour moi. Elle a le pouvoir de vous emporter et de vous transporter dans un tout autre univers. Écrire des paroles est aussi une forme de thérapie, cela me permet de poser sur le papier toutes les émotions refoulées et de les libérer. Je laisse mes émotions au bout de mon stylo.

La notion de contraste semble centrale dans votre musique (entre douceur aérienne de la voix et la puissance des riffs) mais aussi dans vos textes comme dans ce passage du titre « Hymn for the living » « I am the light, I am the dark ». Est-ce une manière pour vous de dire que l’ombre et la lumière cohabitent en chacun de nous ?

Gwyn : Absolument ! Nous sommes tous de magnifiques contradictions. Nous portons en nous à la fois l’ombre et la lumière. Accueillir cette dualité et traverser les zones d’ombre, c’est là tout le sens de la vie.

Sur le plan émotionnel, y’a-t-il des titres que vous redoutez ou appréhendez de jouer sur scène ?

Gwyn : « Souvenirs of Your Betrayal» est une chanson qui pourrait être difficile à interpréter en live pour moi. Nous ne l’avons pas encore jouée, mais je pressens qu’elle serait trop chargée émotionnellement. Elle parle de ce moment où l’on idéalise quelqu’un, où on le voit comme la lune et les étoiles, avant de réaliser qu’il nous a trahis. Et souvent, au lieu de diriger cette douleur vers l’autre, on la retourne contre soi. On se demande : “Qu’ai-je fait pour mériter ça ? Est-ce que je n’étais pas assez bien ?” Je pense que beaucoup d’entre nous ont déjà ressenti cela.

A contrario, quel est le titre que vous avez le plus hâte de jouer en live ?

Gwyn : Je suis très enthousiaste à l’idée de jouer « Boo » en live. C’est une chanson super fun à chanter et parfaite pour faire participer le public. On l’a jouée en concert il y a quelques années, et tout le monde criait « boo » pendant le refrain. Ce genre de moment fait grandir mon petit cœur noir de deux tailles.

Comment s’est articulé votre processus créatif pour l’écriture et la composition de ce nouvel album ? Comment naissent vos titres ?

Gwyn : Sean et moi écrivons généralement de la même manière à chaque fois. Il possède une bibliothèque de centaines de riffs qu’il n’arrête pas d’enrichir. Une fois que nous décidons de réaliser un album, nous passons en revue tout ce qu’il a et déterminons lesquels nous devrions développer un peu plus. Je chante ensuite une esquisse vocale sur ceux que nous avons choisis et si nous aimons la direction que ça prend, nous l’arrangeons et en faisons une maquette. Je pense qu’il est important que nous travaillions ainsi, car cela finit par être le plus authentique.

Pour la production de cet album, vous avez choisi un producteur extérieur, pourquoi ce choix ?

Gwyn : J’ai toujours été ouverte à travailler avec un producteur. J’aime l’idée que quelqu’un vienne jeter un œil au travail avec une perspective extérieure. Cela permet d’apporter un regard neuf sur la musique, et tant que vous trouvez quelqu’un qui comprend votre vision, je ne vois vraiment pas d’inconvénient. Si vous n’aimez pas ce qu’il a fait, vous n’êtes pas obligé de l’utiliser. Il a fallu un peu plus de temps à Sean pour être ouvert à l’idée. Nous avons parlé avec quelques producteurs différents mais nous n’avons pas vraiment senti que le courant passait. Quand nous avons finalement parlé avec Aaron (NDLR: Aaron Chaparian), il semblait vraiment comprendre ce que nous recherchions. Une fois que nous avons reçu la première piste de sa part, nous avons su que nous avions fait le bon choix.

Vous proposez une reprise de Lana Del Rey  Summertime Sadness. Pourquoi ce choix ? Ce titre a-t-il une symbolique particulière pour vous ?

Gwyn : Lana restera à jamais la reine de la mélancolie, alors ce choix nous a paru tout naturel. Chaque fois que nous envisageons d’inclure une reprise, nous sélectionnons quelques morceaux qui nous parlent. Celui-ci a demandé un peu de travail. Au départ, l’introduction ne nous convainquait pas car Sean jouait trop proche de l’original, ce qui rendait l’ensemble trop prévisible. Il a alors épuré l’arrangement en ne gardant que la voix et la batterie, et s’est laissé porter par l’instant, sans penser à la version de Lana. Quand il me l’a fait écouter, j’ai su immédiatement que c’était la bonne direction. Puis Aaron a ajouté une pause juste avant le refrain, et ce détail a tout changé, il a vraiment élevé la chanson pour nous.

L’esthétique et la mise en scène occupent une place centrale dans votre univers (costumes, vidéos clips, visuels). Y’a-t-il des références culturelles, littéraires ou cinématographiques qui vous ont particulièrement inspiré pour ce nouvel album ?

Gwyn : Je suis toujours inspirée par les procès des sorcières de Salem, qui symbolisent à mes yeux la persécution de ceux qui ne rentrent pas dans les normes établies. Beaucoup de mes paroles traversent des émotions sombres et complexes, mais il y a toujours une forme de résolution, une acceptation au bout du chemin. Mon objectif est d’aider les gens à se sentir inclus, à ne jamais se croire seuls ou exclus. Cet album, en particulier, explore la notion d’hérésie. Qu’est-ce qu’un hérétique, au fond ? Ce qui est considéré comme hérésie par l’un peut être parole sacrée pour un autre. Cette idée me hantait déjà depuis notre précédent album — alors autant exorciser ces démons à travers la musique.

Pour conclure : y’a-t-il un mot, une phrase ou une image qui, selon vous, résume l’âme de cet album ?

Gwyn : Berceuses dans le Chaos

FRAYLE – Heretics & Lullabies

Album disponible via Napalm Records

Retrouvez ici notre chronique sur l’album « Heretics & Lullabies« 

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