W-FENEC

En 1998, un nouveau site musical faisait son apparition sur le web français : W-FENEC ! Aujourd’hui, l’équipe toujours aussi passionnée vient de sortir un nouveau numéro comprenant un encart spécial pour célébrer leur 25e anniversaire. L’occasion idéale pour faire connaissance avec Oli et Ted, qui reviennent avec nous sur ces 25 dernières années.

Bonjour W-Fenec ! Comment allez-vous ? Pouvez-vous vous présenter et nous expliquer votre rôle au sein de W-Fenec ?

Oli : Ça va, malgré notre grand âge ! Perso, je suis co-fondateur, rédacteur en chef et maquettiste.

Ted : Impeccable ! Quant à moi, je suis homme à tout faire (rédacteur, secrétaire de rédaction, newseur, ménage…).

D’ailleurs, comment est venue l’idée de fêter ces 25 ans avec un dossier spécial dans votre nouveau numéro, le #54 ?

Oli : Il fallait qu’on fasse un truc … On avait fait un beau numéro pour nos 20 ans, on avait refait un mag assez sympa pour le numéro 50 donc on était un peu à court d’idée… En discutant “du bon vieux temps” entre nous, on s’est dit que ce serait pas mal de retrouver de vieux compagnons de route et d’échanger sur la toile de la fin des années 90 qui est tellement éloignée de celle d’aujourd’hui, c’était la préhistoire !

Ted : Oui, c’est ça, mettre en lumière quelque chose qui démontre qu’on a fait énormément de choses pour cette belle scène rock et assimilés depuis 25 ans. 

Qu’est-ce que cela fait de savoir que W-Fenec fête ses 25 ans, c’est un bel âge pour un média spécialisé !

Oli : Ça fait plaisir ! On n’avait rien prévu il y a 25 ans, on ne prévoit toujours pas beaucoup plus, on avance avec la passion comme carburant, ça semble durable !

Ted : Franchement, on les a pas vus passer ces 25 ans !

Pouvez-vous nous expliquer comment a été créé W-Fenec et comment s’organise le site/mag aujourd’hui ?

Oli : En 1997-98, il n’y avait quasi rien sur la musique qu’on écoutait sur le web francophone, on s’est dit que ce serait pas mal d’évoquer nos goûts personnels et petit à petit, l’équipe s’est agrandie, des labels nous ont fait confiance, on s’est structuré… Il y a 10 ans, on était lassé de devoir toujours être dans l’immédiat, de bosser “en continu” pour alimenter le site. On est donc passé au format “mag”, chacun bosse quand il veut et autant qu’il veut durant 7-8 semaines et on publie le résultat, c’est une approche différente qui nous permet d’écrire à notre rythme et de mettre en lumière certains artistes un peu plus.

 Ted : Et le mag a quand même de la gueule, non ? Faire un mag en ligne avec une périodicité, c’est aussi s’imposer des deadlines et favoriser la responsabilité de chacun dans les délais : “Tu pourras pas publier la chroniques de X ou Y à temps ? Tant pis pour toi, t’attendras 2 ou 3 mois !“

Comment êtes-vous devenus des passionnés de musique, et comment est venue l’envie d’écrire sur les groupes et les albums que vous découvrez ?

Oli : La passion de la musique a été transmise par mes parents, ce sont de gros consommateurs de rock ! J’ai grandi avec la lecture de Rock N Folk ou Best, partager ses sentiments sur un disque, c’est assez naturel…

Ted : Idem qu’Oli, au départ, c’était la collection de disques de mes parents, j’écoutais leurs vinyles en boucle (du rock à la musique afro-américaine en passant par d’autres styles comme la chanson française ou la musique latine). Puis, ce sont les CDs / K7 des copains et des cousins, et les disques achetés avec mon argent de poche qui ont forgé une partie de mon éducation musicale. A l’époque (début 90s), le métal et le rock était majoritaire, une grande période. Ce qui m’a amené à l’écriture, est ma relation avec W-Fenec, j’ai voulu écrire sur des groupes qui n’étaient pas présents sur le site web, et j’ai intégré l’équipe avec des chroniques issues des disques que je recevais chez moi.

Pouvez-vous nous parler de votre première interview ? Est-ce un souvenir marquant ? Personnellement, je me rappelle que j’ai préparé la mienne pendant des jours et que j’étais très très stressée (je n’ai pas vraiment changé d’ailleurs) !

Oli : J’évoque cette première interview dans le mag 54 ! Un peu de stress forcément mais avec des musiciens sympas, ça passe très vite…

Ted : Oui, pour ma part c’était marquant parce que si je me souviens bien, c’était pour dEUS, un groupe pour lequel j’ai de l’affection car j’écoute ça depuis tout jeune. Je raconte ça dans le spécial 20 ans et dans le dernier magazine.

Y’a-t-il une autre interview ou une rencontre avec un artiste qui vous a particulièrement marqué, en bien et en mal ?

Oli : La plupart des interviews sont de bons souvenirs, même celles qui se passent un peu moins bien, on en rigole, on peut juste être déçu parce que quand t’aimes un artiste, tu te dis qu’il doit être cool de passer du temps avec lui… Mais si ça se trouve, il était dans un mauvais jour, c’est pas en 10 minutes qu’on peut le juger…

 Ted : Les interviews se passent souvent très bien. J’ai eu de très belles discussions avec Page Hamilton (Helmet) et Franz Treichler (The Young Gods) par exemple. J’ai eu une seule interview qui n’était pas terrible, tout n’était pas au RDV (bruit, problème technique, groupe pas concerné), mais ça fait partie du job.

Écrire pour un magazine musical implique la rédaction de différents articles comme l’interview, la chronique d’album, le live-report. Quelle est votre préférence ?

Oli : Bonne question ! Je pense que l’interview a ma préférence, surtout quand on a un bon client et de bonnes questions…

 Ted : L’interview car tu ne contrôles pas son contenu, un vrai challenge, j’adore. Retranscrire à l’écrit, c’est moins fun par contre. (je confirme ! ndlr)

W-Fenec est très lié à la scène française. Est-ce important pour vous de soutenir les artistes français ? Vous ont-ils aidé à vous développer ?

Oli : Je ne sais pas si on est “très lié” à la scène française, les rapports avec les groupes et les labels sont beaucoup plus simples et fréquents, c’est donc logique qu’on en parle davantage. Mais si un groupe japonais fait de la bonne musique, on va le défendre également ! L’encart “spécial 25 ans” du dernier mag met en effet en parallèle le développement de cette scène et notre développement. Il y a des groupes, des labels, des structures qui ont débuté à peu près en même temps que nous, ils nous ont fait confiance tout de suite, ça nous a apporté beaucoup d’aide pour accroître notre audience et ça nous a donné confiance en notre boulot. C’est important d’être reconnu, encouragé, félicité. C’est notre seul salaire !

Ted : Évidemment, c’est primordial de soutenir les artistes français. Surtout quand ils font de belles œuvres. C’est notre rôle ! Si on le fait pas, qui va le faire ? Il y a tellement de groupes indépendants en France, il faut qu’on se partage le boulot avec les autres médias spécialisés. C’est un énorme défi à réaliser car il faut bien avouer que les français en général ne sont pas très mélomanes. On parlerait de foot, je pense qu’on aurait plus de lecteurs. Ceci dit, on défend tout aussi bien les groupes étrangers, on l’a toujours fait même quand certains n’étaient même pas connus dans leurs pays.

Le magazine fête ses 25 ans. Le monde de la musique a beaucoup évolué et la façon de promouvoir la scène aussi. Qu’est-ce qui a le plus changé pour vous en tant que journaliste dans un média musical ?

Oli : Pour ce dernier numéro, j’ai fait deux interviews en visio, un truc inimaginable il y a 25 ans ! Ça facilite les choses quand les groupes ne passent pas en concert à côté ou sont débordés ce soir-là.

Ted : La scène musicale est désormais promue par le streaming. La plupart des gens qui écoutent un tant soit peu de musique maintenant connaissent les groupes grâce aux algorithmes. L’œuvre n’existe presque plus physiquement. On n’en est presque au stade où les singles vont supplanter les albums. Et même pire que ça : pour prétendre à être programmé par une salle quand tu joues dans un groupe, les organisateurs regardent les stats de lecture (qui sont facilement faussées) au lieu d’écouter… C’est la quatrième dimension ! Il est temps que ces conneries cessent, bien qu’il soit sûrement déjà trop tard. Faites comme nous, soutenez les artistes !

Comment réussit-on à faire vivre un média comme W-Fenec, financièrement parlant ? Avez-vous monétisé le site pour payer au moins les frais d’hébergement etc ?

Oli : Une de nos règles de base, c’est pas de thunes, nulle part. On distribue le mag gratuitement en ligne, on ne demande pas d’argent à qui que ce soit et quand on nous en propose, on refuse. On est indépendant. L’hébergement n’est pas gratuit mais, quand on n’oublie pas, on se partage ces frais. On a imprimé deux mags (les 47 et 50), on les a vendus à prix coûtant…

Ted : La règle est simple : on ne rend de compte à personne. C’est le seul moyen d’être 100% indépendant et d’être honnête envers soi-même et nos lecteurs. Je pense que si on avait voulu prétendre récupérer un peu d’argent sur nos activités, le W-Fenec serait déjà enterré depuis longtemps. Et puis, entre nous, quel rédacteur aime se taper de l’administratif et la compta ? 

A l’époque, il y avait sûrement beaucoup moins de médias français dédiés au rock/punk/metal. Aujourd’hui, tout le monde peut créer son site (même moi !) et être présent sur Internet, écrire des articles etc. Est-ce une bonne chose selon vous ? Est-ce que l’on peut parler de concurrence ?

Oli : C’est parce que tout le monde peut écrire ce qu’il veut qu’on est là ! C’est forcément une bonne chose. En 25 ans, on a vu pas mal de confrères lâcher le morceau… Comme on ne vend rien, il n’y a pas de concurrence, si on demandait de l’argent pour écrire des articles, là, on serait en concurrence avec certains car les groupes n’ont pas un budget illimité pour s’acheter des interviews dans des pseudos médias. Idem si on vendait des espaces publicitaires… On fait notre truc comme on l’entend, d’autres aussi, certains font des trucs béton, d’autres sont un peu plus fragiles mais quand on a commencé, on était loin d’être béton…

Ted : Bien sûr que c’est une bonne chose. Encore une fois, plus on parlera des artistes, mieux ce sera. Le W-Fenec n’a pas de concurrents puisque nous ne rentrons dans aucun marché.

Après avoir été un site, W-Fenec, c’est aussi un magazine en ligne. Pourquoi choisir ce format ? La presse papier payante est mal en point, mais pensez-vous le distribuer en version imprimée, à l’instar d’un Metal Obs par exemple ?

 Oli : On espère que ce format permet aux lecteurs de faire davantage de découvertes, quand t’es en ligne, en deux clics tu peux te retrouver très loin du site. Avec un mag, on pense que le lecteur passe un peu plus de temps sur nos pages et peut le faire en étant “déconnecté”. Les deux numéros imprimés étaient exceptionnels. Gérer une distribution physique, c’est très compliqué, surtout sans publicité…

Ted : Notre site web n’est pas le plus joli sur la toile, bien qu’il soit super bien construit et structuré. Alors que notre magazine a plus de gueule, physiquement. C’était une manière de mettre notre lectorat dans de meilleures conditions de lecture, mais aussi de changer notre fonctionnement, avec des délais à respecter notamment pour nourrir nos différentes rubriques. Il fallait casser la routine à un moment donné pour se donner un nouvel élan.

Quels objectifs avez-vous pour l’avenir ?

 Oli : Continuer. Ted : Oui, continuer tout en gommant les imperfections, s’améliorer par petites touches, ce qu’on essaie de faire. Et peut-être une refonte du mag, quand les planètes seront alignées. Et puis bien sûr, garder notre lectorat tout en essayant de faire venir davantage de personnes sur www.w-fenec.org pour télécharger nos magazines et lire nos dépêches.

Un album et un groupe de ses 25 dernières années qui vous ont particulièrement marqué ?

Oli : Contraddiction / Mass Hysteria. Je suis fan depuis 97, c’est un des premiers groupes que j’ai “chroniqué”, j’avais pu discuter avec eux sur deux concerts en 97 avant la naissance du W-Fenec. C’est un groupe ultra abordable, toujours disponible et sur scène, si c’était déjà plein d’énergie il y a plus de 25 ans, c’est devenu une machine ! Un show “à l’américaine” avec un contact et une décontraction “à la française”. Et leur deuxième album, outre la claque musicale, a montré à beaucoup qu’on pouvait être français et avoir une énorme production, ils ont décomplexé énormément de groupes.

Ted : Réponse impossible à donner pour ma part. Il doit y en avoir une centaine, et encore. Et je déteste la hiérarchisation (rires) !

Une nouveauté ou un album récent à recommander ?

Oli : Lis le mag ! Il y a énormément de supers bons trucs ! En hommage à la ville de Rouen où le W-Fenec est né, je vais citer Pilori. Si tu aimes te faire savater, fonce !

Ted : H……. de B…. M… (la réponse est dans le magazine). C’est tout simplement pour moi le meilleur album sorti en 2022, tous aspects confondus. J’aime pas la hiérarchisation, mais là j’ai pris une telle claque qu’il n’y avait pas de “concurrence“ possible à ce stade.

Un groupe que vous rêvez d’interviewer ?

Oli : Pink Floyd ! Waters ou Gilmour, ou les deux en même temps ? J’adore ce groupe depuis tout petit, voire même avant…

 Ted : Tous ceux que je voulais interviewer sont morts. Cependant, il y a encore un peu le choix… au pif, je dirais Radiohead ou Mike Patton.

Un groupe qu’il faut voir en live absolument ?

Oli : Ces dernières années, les Pogo Car Crash Control ont ramené une énergie incroyable sur leurs concerts, ils ne sont pas juste là pour jouer leurs titres, ils se donnent toujours à fond, c’est vraiment appréciable de finir un concert en se disant “wouaw, eux, ils ne font pas semblant”.

Ted : Duchess Says, sans hésitation. Indescriptible. Tout comme The Dillinger Escape Plan d’ailleurs, mais pour eux, ca va être compliqué car ils n’existent plus.

Le dernier numéro du W-Fenec Magazine spécial 25 ans est en ligne !

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