NILE – Entretien avec Karl Sanders

La formation death metal américaine NILE revient en 2024 avec un dixième album, The Underworld Awaits Us All, sorti le 23 août via Napalm Records. Se distinguant toujours par son inspiration puisée dans l’égyptologie, le groupe aux 30 ans de carrière s’est imposé comme une référence en la matière. Entretien avec son leader, Karl Sanders.

Crédit photo : Casey Coscarelli

Bonjour, comment vas-tu ?

Bien, je vais bien.

Il y a quelques semaines, tu es tombé malade en pleine tournée…

Oui, je vais un peu mieux maintenant, merci beaucoup.

Malheureusement, tu as manqué le Hellfest, tu as été sans doute déçu… C’était votre seule date en France cette année.

Oui, qui ne le serait pas, le Hellfest est génial. J’ai attendu toute l’année de pouvoir jouer au Hellfest, je n’étais donc pas très heureux. Et oui, c’était je crois notre seule date en France, mais nous allons revenir en 2025.

Le groupe a quand même joué sans toi, c’est un peu étrange de jouer sans son leader mais je suppose que c’était mieux que d’annuler.

Comme on dit, the show must go on

Ce qui est pratique c’est que d’autres membres du groupe peuvent chanter !

Oui, heureusement nous avons trois personnes qui chantent dans le groupe, soit les deux-tiers, ce n’est pas mal.

Tu as déjà répondu à ma question, mais j’allais te demander si vous allez revenir en France, car votre prochaine tournée ne s’y arrête pas, et c’est assez souvent que les tournées nous oublient !

Et bien, nous essayons toujours de venir en France. Nous sommes venus en 2022, nous avons fait 5 dates je crois en France lors de cette tournée. Nous jouons en France depuis 1998, depuis un passage au Gibus à Paris.

J’ai l’impression qu’en ce moment, il y a de plus en plus d’évènements, plus de fans et que les tickets de concerts se vendent assez bien, en tout cas là où je suis. Est-ce que tu remarques une évolution, à une échelle mondiale ?

Et bien, cela fait un moment que nous sommes dans ce groupe, et j’ai toujours vu une progression stable du metal depuis quelques années. Ce n’est pas devenu le genre le plus populaire mais il est le genre qui a les fans les plus loyaux.

Oui, même en France, qui n’est pas un pays très metal…

Quoi, tu plaisantes ? La France est metal as fuck !

Ici ce n’est pas vraiment notre impression, jamais de metal à la télé ou dans journaux….

Tu sais, c’est la même chose partout. Le metal n’est pas forcément un genre des plus populaires, mais il y a des fans dans le monde entier, qui ont tous la même expérience. Le metal n’est peut-être pas à la télé ou à la radio, mais les fans trouvent le chemin vers le metal. Cela a toujours été comme ça, même quand il n’y avait que le metal underground. Le metal se porte quand même bien.

Oui, j’imagine qu’on n’a pas trop à se plaindre finalement quand on voit Gojira aux Jeux Olympiques !

Oui, on vit une époque folle n’est-ce pas, Gojira aux Jeux Olympiques ! On doit s’en réjouir. C’était monumental.

Revenons à l’actualité de NILE. Vous revenez avec un nouvel album, The Underworld Awaits Us All, non sur Nuclear Blast comme les précédents, mais sur Napalm Records. Avez-vous ressenti le besoin de changer ?

Et bien, nous avions terminé avec Nuclear Blast, et Napalm Records nous a fait une belle proposition. On s’est dit qu’il fallait essayer.

L’autre nouveauté, c’est au sein du line-up. Vous avez accueilli de nouveaux musiciens, Zach Jeter (guitare, chant – Mor) et Dan Vadim Von (basse, chant). Que peux-tu m’en dire, même si bien sûr ce ne sont pas des inconnus !

Les deux sont curieusement originaires de Caroline du Sud. Zach Jeter était un ami du groupe, donc ça a plutôt bien marché. Dan Vadim Von est venu à nous. Il joue dans Morbid Angel depuis quelques années, et il se trouve que nous avons le même manager. Donc c’était juste un coup de fil, et ça a très bien marché. Donc, c’était vraiment facile de trouver de nouveaux membres. Oui, pour ces gars, c’était facile. Tu sais, certaines des autres recherches de bassistes par le passé n’étaient pas si faciles, mais cette fois, ça a très bien marché. Donc oui, nous en sommes tous assez contents.

Au niveau du son de nouvel album, il y a t-il aussi de la nouveauté ? Avez-vous des changements qui pourrait distinguer cet album des précédents ? Que penses-tu du son de l’album ?

Quel est l’intérêt de savoir ce que j’en pense ? Je sais ce que j’en pense. Toi, qu’en penses-tu, tu as écouté l’album ? Dans ce cas tu dois avoir ta propre opinion.

Et bien je n’ai pas l’habitude d’écouter du metal extrême, c’est vraiment la première fois que j’écoute Nile.

Sans blague ! Qu’est-ce que tu écoutes d’habitude ?

Du death metal mais mélodique, du symphonique…

Je vois, intéressant… C’est très différent, c’est quasiment un autre genre de musique.

Parfois, cela peut être bien d’explorer d’autres styles !

Je pense aussi, je suis toujours content d’écouter de nouvelles choses, même en dehors du metal, bien sûr.

Nile en est donc à son dixième album. Est-ce plus facile de composer de nouveaux albums avec le temps ? Ou est-ce plus difficile, avec la peur de te répéter par exemple ?

Tout cela est vrai en fait. En quelque sorte, certaines choses sont plus faciles parce que vous avez l’expérience de les avoir faites d’autres façons. Il y a toujours un défi à relever pour trouver quelque chose de nouveau. Quelque chose qui maintient votre propre attention fraîche. Ce sont des défis auxquels sont confrontés de nombreux groupes qui existent depuis un certain temps.

Je ne sais pas si tu lis les chroniques ou les réactions des fans, mais parfois les gens disent qu’ils veulent que Nile sonne comme Nile, mais sans que ce soit toujours la même chose, et sans être trop différent non plus ! C’est compliqué !

Je pense que, quand un groupe existe depuis un certain temps, les gens en viennent à avoir des attentes, n’est-ce pas ? Parce que vous finissez par avoir un lien personnel avec les albums que vous écoutez depuis de nombreuses années. Et c’est très difficile pour l’artiste de trouver l’équilibre entre quelque chose de familier et quelque chose d’un peu nouveau. C’est un équilibre délicat. Tout le monde n’aimera pas tout ce que fait un groupe. C’est une chose que j’ai constatée. Et quoi que vous fassiez, il y aura toujours quelqu’un qui pensera que vous devriez faire autre chose. Donc pour nous, la seule vraie réponse est de savoir rester fidèle à ce que nous voulons faire. Je pense que chacun peut trouver sa voie. Sinon, vous pourriez vous laisser distraire en vous disant que c’est censé ressembler à ceci, ou bien c’est censé ressembler à cela. Eh bien, nous avons un nouvel album, et c’est un nouvel album. Ce n’est pas l’ancien, c’est le nouvel album.

Après 30 ans de carrière, penses-tu encore avoir une marge de progression, des choses à apprendre ?

Oui je pense. Non seulement j’enseigne la guitare, mais je prends aussi des cours de guitare. J’apprends toujours de nouvelles choses. Et il y a toujours de bons musiciens avec qui apprendre quelque chose. Je ne pense donc pas qu’il y ait une raison pour laquelle on doive arrêter d’apprendre. Je pense que dès qu’on arrête d’apprendre, on commence à reculer, et bon sang je veux seulement avancer. Je veux faire de nouvelles choses.

Et aussi, en tant que chanteur…

Oui bien sûr. Je crois que la voix est un autre instrument, qu’il y a des techniques à apprendre et qu’il s’agit d’un véritable art. Si j’écoute ma voix aujourd’hui, puis que j’écoute ce que j’ai fait il y a 2530 ans, je peux entendre les progrès du développement. C’est clair comme le jour. Je ne supporte pas d’écouter les anciennes chansons, parce que je sais que je peux faire mieux.

Donc dans 10 ans, tu écouteras l’album qui sort aujourd’hui en pensant que c’était bien mais que tu peux faire mieux.

Je dis ça tout le temps, c’est comme ça qu’on grandit artistiquement. Si vous ne pouvez pas regarder les choses que vous avez faites et essayer d’être objectif et de vous dire : « Bon, cette partie était bonne, cette autre partie, je pourrais faire un peu mieux ». ou quoi que ce soit… Vous devez le regarder objectivement, reconnaître les bonnes choses, mais aussi reconnaître les domaines dans lesquels il y a de la place pour la croissance personnelle.

Tu écoutes ce que tu as fait précédemment avant d’entamer la composition d’un nouvel album ?

Non, jamais. Je n’écoute rien, j’essaie de ne pas y penser.

En guise de single, vous avez sorti un morceau au titre vraiment très long. Je suis sûre que l’on te questionne à ce sujet à chaque interview.

Oui, est-ce que tu vas dire le titre ?

Non, non ! (rires)

Allez, chaque personne a qui j’ai parlé l’a prononcé! Ils sont se bien amusés ! (rires) Vas-y, tu peux le faire !

Ok, mais avec mon accent tu vas le regretter !

Non, au contraire c’est encore mieux !

« Chapter for Not Being Hung Upside Down on a Stake in the Underworld and Made to Eat Feces by the Four Apes ».

Yes, c’est super ! Formidable (en français – ndlr) !

Merci ! Sérieusement, est-ce que tu as écrit ce titre pour t’amuser avec les journalistes, tu savais qu’on t’en parlerais.

Ouais, un peu. C’est une des choses auxquelles j’ai pensé quand j’ai vu ce titre dans le Livre des Morts. C’est l’une des choses qui m’est venue à l’esprit. Les journalistes devront le dire, et s’ils ne sont pas obligés de le dire, ils devront le taper, ou le copier-coller, mais quand même l’entendre, entendre les journalistes le dire, entendre les fans le dire, c’est génial. C’est la meilleure partie.

Encore une fois, l’album a été produit dans ton studio. Est-ce que tu aimes t’occuper de la production, est-ce que tu produit d’autres artistes ?

J’aime ça. J’ai travaillé avec Matthew Kay, il a un projet de type néo soul, funk jazz. C’est vraiment soul. J’aime beaucoup ça.

Tu as parlé du Livre de Morts, car Nile est un groupe axé sur l’Egypte Ancienne. Tu as fais des études ? Tu lis ?Comment trouves-tu l’inspiration sur ce thème ?

Je lis beaucoup. Je regarde des documentaires. Cela m’inspire beaucoup.

Tu es déjà allé en Egypte ?

Oui, en 2016. On travaillait sur un projet avec Nader Sadek, et on y est restés environ deux semaines. On a vu des choses incroyables chaque jour. C’était une nouvelle aventure. On a passé un super moment.

Même dans tes albums solo, tu t’inspires aussi des cultures orientales.

Oui, beaucoup de musiques du Moyen-Orient, d’Afrique du Nord, tu sais, j’aime vraiment ça.

Est-ce important pour toi d’avoir ce projet solo dans un genre différent de Nile ?

Eh bien, tu sais, je joue du death metal pour gagner ma vie, donc il y a beaucoup de metal dans ma vie, mais de temps en temps j’ai besoin de paix et de tranquillité. C’est pourquoi j’ai un projet calme avec des instruments acoustiques, c’est que j’aime aussi les choses calmes.

L’album s’appelle The Underworld Awaits Us All. Avez-vous été inspirés par une œuvre spécifique pour l’album ?

Je ne pense pas que l’album entier soit spécifiquement influencé par une œuvre en particulier. Il y a beaucoup d’œuvres qui se cachent derrière les chansons. Chacune parle de quelque chose d’un peu différent. Par exemple, le premier morceau, « Stelae of Vultures », cela
vient d’un monument qui vient de Sumer, et qui réside maintenant dans le Louvre à Paris (la Stèle des Vautours – ndlr), qui a été mémorisé, commémoré par le roi Aenatum lorsqu’il a célébré sa victoire sur les Umites lors de la bataille de Lagesh. Donc, oui, il y a beaucoup de sujets différents. Comme, il y a des choses du Livre des Morts, il y a des choses sur la conquête islamique de l’Égypte. Il y a des choses sur les Assassins Nizari. Beaucoup d’idées sur ce disque.

Et comme le dit le titre de l’album, il y a cette idée de vie après la mort.

Oui. The Doctrine of the Last Things. C’est de là que ça vient.

Est-ce que tu crois personnellement en quelque chose après la mort ?

Non. Je ne suis pas nécessairement religieux, mais les êtres humains se demandent depuis longtemps ce qui se passe après notre mort. Depuis nos premiers jours, les gens se demandent ce qui se passe quand on meurt ? Où allons-nous ? Personne n’est revenu pour nous dire ce qui se passe quand on meurt. Ouais, c’est une question qui nous inspirera pour la fin des temps c’est sûr. Mais ce que je sais, c’est que, peu importe où nous irons, nous, les auditeurs de metal, nous y serons tous ensemble, et nous aurons un concert géant avec des groupes de metal. Comme un Hellfest.

Sympa ! Enfin je ne dis pas que j’ai hâte, mais vu comme ça ce n’est peut-être pas si mal.

Eh bien, peu importe que nous ayons hâte ou non. C’est inévitable. Cela arrivera quoi que nous en pensions.

Je voulais donc parler de la pochette de l’album. Je sais que tu travailles à nouveau avec le même artiste, Michał ‘Xaay’ Loranc. Comment ça se passe ? Est-ce que tu lui donnes des directives pour que cela corresponde au concept de l’album ?

Eh bien, quand on s’est rencontrés, on lui a montré les titres et les paroles des chansons, on a parlé de ce que signifiaient les chansons, et on lui a fait écouter la musique. Et puis on lui a dit : voilà. Sois créatif. Et puis après qu’il soit revenu avec toutes ces superbes illustrations, il n’y a eu que quelques allers-retours, du genre, tu sais, fais en sorte que ce ne soit pas trop sombre. L’écriture est trop petite, tu sais, des trucs comme ça. Oui, c’était assez facile.

Vos albums sont disponibles en CD, en vinyle, donc l’artwork reste encore très important même de nos jours. Malgré le streaming, il reste encore beaucoup de supports physiques.

Tu sais, je viens d’une génération où tout ce que nous avions était définitif. Nous n’avions donc rien d’autre. Nous n’avions pas encore de cassettes, et certainement pas encore le CD. C’est l’époque d’où je viens. J’aime donc le vinyle parce qu’il me permet de me sentir à l’aise comme quand j’étais enfant, adolescent, en achetant mes albums préférés. C’est mon point de référence. C’est comme ça que je comprends les choses. Je suis donc content qu’il y ait un vinyle.

L’album sort même en cassette, c’est assez amusant.

Ouais, je pense que c’est amusant. Je n’ai même plus de lecteur de cassettes, mais je suis content qu’il y ait des cassettes, parce qu’elles sont tout simplement amusantes, en effet. Ouais, et je pense que sur le shop Napalm Records nous avons aussi un bundle CD ou un vinyle avec une petite statue d’Anubis. En as-tu eu une ? Non ? Eh bien, c’est trop tard, parce qu’ils sont tous vendus de toute façon. Tant pis. Tu aurais dû être plus rapide ! C’est l’une des choses qu’ils ont dit qu’ils voulaient vraiment faire, une édition spéciale. Et nous avons dit, ok, bien sûr, allez-y !

On arrive à la fin, tu veux ajouter quelque chose ?

The underworld awaits us all, and we will see you there.

Parfait ! L’album sort ce vendredi. J’espère que la sortie se passera bien.

Merci. J’espère que ça se passera bien et que tu auras l’occasion d’apprécier le disque.

Oui, j’ai besoin de plus de temps, de plus d’écoutes. Il se passe beaucoup de choses dans ce disque !

Il y a beaucoup de choses. Ouais, ce n’est pas fait pour être facilement consommé d’un seul coup. C’est comme s’il y avait toujours plus de choses, et la musique comme celle-ci demande du temps, en effet, mais c’est ce qui la rend intéressante.

Interview réalisée le 21 août 2024.

NILE – The Underworld Awaits Us All

Sortie le 23 août 2024

Napalm Records

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