MAUDITS – In Situ

Date de sortie : 7 novembre 2025

Label : Klonosphère

Genre : Post-Metal

Si tu aimes : Godspeed You! Black Emperor, Opeth, Hans Zimmer, Portishead

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« In situ » : locution adverbiale latine utilisée pour indiquer qu’un phénomène, une observation ou une intervention se produit directement sur place, sans déplacement, sans modification. « In Situ », c’est aussi le nom du quatrième album du groupe parisien Maudits, choisi pour refléter une approche musicale spontanée et bien enracinée dans le présent. Formé en 2019, le trio explore les territoires du post-metal avec une sensibilité cinématographique affirmée.

Leur premier album éponyme, « Maudits », sort en 2020 et pose les bases d’un univers instrumental dense et atmosphérique. En 2021, leur deuxième opus, « Angle Mort », poursuit cette démarche en explorant un peu plus les contrastes et les tensions. Leur troisième album, « Précipice », composé en grande partie en 2020 durant la période de confinement, n’est publié qu’en 2024, car le groupe tient à le défendre en live. Cet album, marqué par les épreuves personnelles traversées par les membres du groupe, se présente comme une forme de catharsis, comme une libération par la musique. « In Situ » s’inscrit dans cette continuité, avec une volonté de composer sur un laps de temps très court et immédiat. Pour l’occasion, le trio devient quatuor avec l’intégration officielle, comme membre du groupe, du violoncelliste Raphael Verguin, jusqu’alors guest comme membre de session dès l’album « Angle Mort ».

Le titre d’ouverture, « Leftovers », nous plonge dans une ambiance douce et feutrée, du moins au premier abord. Les guitares, aériennes et légères, dessinent une ambiance éthérée, tandis que le morceau gagne lentement en intensité. Une montée subtile qui n’est pas sans rappeler, par moment, l’univers d’Apocalyptica, et qui nous prépare au titre suivant « Fall Over ». Ce dernier, présenté comme le premier single de ce nouvel opus, est composé et partiellement enregistré, tout d’abord, durant les sessions de l’album « Précipice » en 2023. Ce morceau est la ligne directrice de ce nouvel album puisqu’ il joue à la fois sur la fusion entre le doom et l’ambient, les différentes strates d’instruments, les textures et les tensions. A mon sens, un vrai chef-d’œuvre (coup de cœur tout particulier pour la batterie). Le morceau « In situ » est un interlude qui arrive comme une respiration, une pause sonore. Porté uniquement par le violoncelle et la guitare, le titre a été enregistré en extérieur, au bord d’une Nationale. Si on tend l’oreille, on entend les oiseaux et les voitures qui passent au loin, ce qui donne à la composition une ambiance acoustique, comme si le morceau respirait avec son environnement.

Habitué à l’instrumental, le quatuor franchit un cap en intégrant le chant à sa musique, avec le quatrième titre, « Roads », reprise de Portishead, divinement interprétée ici par la chanteuse du groupe Lün, Mayline Gautié. Maudits rend hommage au groupe de trip-hop tout en y insufflant son propre univers. C’est une prise de risque brillamment réussie. Le groupe réitère l’expérience sur le sixième titre, « Carré d’As », avec un texte écrit en français et interprété par Olivier Lacroix alias « Amiral Dacruz » (chanteur des projets Novembre et Erlen Meyer). Un titre en tension et à l’atmosphère beaucoup plus lourde et frontale. Un petit ovni musical dans l’univers du groupe.

Le morceau « Précipice Part III » fait suite à « Précipice part I » et « Précipice part II » présents sur l’album précédent. Le groupe avait initialement prévu de réagencer « Précipice part I » mais au fil de la création le titre a évolué vers une nouvelle composition. Il établit un lien avec l’album « Précipice » et semble aussi conclure de manière magistrale une sorte de trilogie musicale. Ce morceau procure une montée en émotion puissante, et provoque notre sensibilité et notre imaginaire. L’album se conclut sur le lumineux « Lev-Ken » où la lourdeur des riffs vient s’entrechoquer à la légèreté du violoncelle. Deux invités prennent part à ce morceau : Yann Desti à la guitare et Boris Patchinsky à la basse, membres des groupes Saar et Parlor. Le titre puise son inspiration dans le croisement des thèmes principaux des titres « Breken » et « Loved », extraits de l’EP commun « Split » des groupes Saar et Maudits, paru en 2022.

Difficile de parler de l’univers de Maudits sans évoquer l’artwork de ses pochettes. Le groupe choisit une nouvelle fois de collaborer avec Guillaume Ringaud, fidèle compagnon visuel de leur identité musicale. Ici, l’artiste propose une ville, miroir d’elle-même, qui semble partir en ruine, comme envahie par les racines du trèfle à quatre feuilles trônant au centre de la composition. Ce trèfle, signature visuelle présente sur chacune des pochettes des albums du groupe, agit comme un fil conducteur entre les différentes étapes de leur discographie. Symbole de la chance placé au centre d’un univers très souvent sombre et introspectif.

Avec « In Situ », Maudits franchit une nouvelle étape dans son parcours musical en adoptant une dynamique de composition plus spontanée, plus instinctive, plus ancrée dans l’instant présent. Porté par des textures sonores riches et multiples, des collaborations audacieuses et une atmosphère cinématographique, « In Situ » s’écoute comme une invitation à vivre l’émotion brute, telle qu’elle est, sur le moment.

Artwork : Guillaume Ringaud

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