SIRENIA – Entretien avec Morten Veland

Le groupe de metal symphonique SIRENIA est de retour avec un nouvel album. Après plus de 20 ans de carrière et quelques changements de line-up, le groupe parvient à se stabiliser avec l’arrivée de la chanteuse Emmanuelle Zoldan en 2016. Loin d’en profiter pour se reposer sur des lauriers, le groupe préfère se réinventer à chaque nouvelle sortie. Après les sonorités électroniques de Riddles, Ruins & Revelations, malheureusement sorti en plein Covid, 1977 est l’occasion pour Sirenia d’explorer les années 70 et 80 : le fondateur et multi-instrumentiste Morten Veland nous en dit plus dans cette interview réalisée le 10 mai 2023.

Crédit photo : Cécile Delpoïo

Bonjour Morten, comment vas-tu ? Le nouvel album de Sirenia sort bientôt, le 26 mai. Tu es impatient ou cela te stresse un peu ?

Je vais bien merci. C’est toujours très excitant. Tu sais, quand un album est sur le point de sortir, nous avons déjà travaillé dessus pendant peut-être deux ans. C’est toujours une période enthousiasmante, surtout les semaines qui précèdent la sortie. Nous avons hâte d’arriver à cette date.

Vous avez sorti un premier single, « Twist In My Sobriety » il y a quelques semaines. Je trouve cela un peu étrange, car c’est non seulement une reprise, mais aussi un bonus track !

Oui. Je suis assez d’accord avec toi. Je pense que parmi les trois singles de cet album, c’est celui que j’aurais préféré voir sortir en tant que troisième et dernier single, et que les deux premiers soient de la musique originale. Mais ça s’est fait comme ça, je ne sais pas trop pourquoi. Je ne sais pas si cela fait une grande différence au final. Peut-être que les fans auraient voulu une chanson originale en premier. Mais maintenant nous avons aussi sorti le deuxième single, « Deadlight », et un autre arrive bientôt, le 25 mai, la veille de la sortie de l’album, qui aura aussi une vidéo.

Est-ce que l’envie de refaire une reprise est due au succès de celle de « Voyage Voyage » que vous avez enregistré pour l’album précédent ?

Oui. Je dois dire que je ne m’y attendais pas, honnêtement, à ce qu’elle soit si populaire. Je pense que c’est un choix de chanson intéressant pour un groupe de metal. J’aime « Voyage Voyage » depuis qu’elle est sortie, en 1985. J’avais 7 ans, et je l’ai aimé dès que je l’ai entendu à la radio, en Norvège. Je pense qu’elle a une vibe mélancolique qui m’a fait penser qu’elle ferait une bonne reprise pour Sirenia. Et j’ai ressenti la même chose avec « Twist In My Sobriety ». C’est aussi une chanson des années 80, et qui a cette atmosphère sombre et mélancolique. Avant, je n’étais pas très fan des reprises. J’ai toujours pensé qu’il était plus intéressant d’écrire ma propre musique. Mais depuis peu je trouve cela plutôt intéressant de chercher des chansons dans un genre complètement différent de celui de Sirenia, et d’essayer de l’arranger dans notre style pour les faire sonner comme des chansons de Sirenia. Cela devient alors très intéressant, et cela m’a beaucoup amusé de faire ces deux reprises sur nos deux derniers albums, en plus, incluses en tant que morceaux bonus, qui est sont bon format pour moi pour des reprises.

Comme évoqué précédemment, vous avez aussi sorti « Deadlight » en tant que single ? Pourquoi cette chanson ?

Je pense qu’il s’agit d’une chanson typique d’un single. Elle a le bon format car elle n’est pas trop longue et est très mélodique, très catchy. C’est un bon choix pour un single, comme le sont « Twist In My Sobriety » et notre troisième single à venir, « Wintry Heart ». Elles sont toutes adaptées au format single.

Parlons du titre du nouvel album, 1977. Il s’agit de l’année de ta naissance, je crois…

C’est juste ! C’est l’année où tout a commencé pour moi. C’est une année spéciale. Et je pense que les années 70 sont spéciales pour plusieurs raisons. C’est la décennie qui a vu naître le heavy metal, en 1970 avec le premier album de Black Sabbath, même si le groupe a commencé avant, en 1968 je crois. Leur premier album correspond à mon avis à la naissance du heavy metal. Beaucoup de choses importantes se sont passées dans les années 70, beaucoup de groupes cools se sont formés ou du moins se sont réellement établis dans les années 70, c’est une grande décennie pour la musique.

Tu évoques le commencement de quelque chose, la naissance. Mais l’artwork représente une pierre tombale…

Oui. Bien sûr, on pourrait analyser la pochette, mais j’ai toujours trouvé étrange pour un artiste de l’analyser et de l’expliquer. Je pense que cela pourrait retirer la magie de l’artwork si j’expliquais sa signification. Et c’est la même chose pour les paroles. Je me souviens de mon plus grand héros de la musique, Nick Cave. Il a dit qu’il pouvait passer genre 5 ans à écrire les meilleures paroles. Et parfois dans une interview, il pouvait passer seulement 10 secondes à détruire cette magie en les expliquant un peu maladroitement, tu vois ? Alors je suis son exemple, et j’essaie de laisser les fans et les auditeurs se charger de l’analyse et d’aller en profondeur.

Oui je comprends. Je trouve cela intéressant d’essayer d’analyser les pochettes, et de voir qu’elles forment un tout avec la musique, les paroles.

Moi aussi. Surtout quand j’étais petit, c’était une autre époque, ce n’était pas digital comme aujourd’hui. On allait chez le disquaire pour acheter une cassette, un CD ou un vinyle, on rentrait à la maison pour l’écouter dans la chaîne hi-fi. On pouvait lire les paroles en même temps, et regarder la pochette et l’ensemble. C’était un tout, une expérience vraiment agréable. Cela manque un peu aujourd’hui. Maintenant, c’est tellement facile et pratique d’écouter de la musique en streaming, même pour moi.

Je suis d’accord. Qu’en est-il de la composition de cet album, quand as-tu commencé à travailler ? As-tu changé quelque chose dans ta manière de faire ?

Je crois que j’ai commencé à travailler, comme toujours, juste après avoir terminé le précédent, peut-être même un peu avant. Écrire et composer est un processus qui se fait en continu pour moi, cela n’arrête jamais vraiment. J’écris en permanence de nouvelles choses et qui chevauchent deux albums. Je crois qu’en temps normal il me faut deux ans pour écrire un album pour Sirenia, je pense que c’est ce qu’il m’a fallu pour cet album, peut-être un peu moins. Concernant le processus, il est similaire au précédent. Nous n’avons pas fait de grand changement. Ce qui a changé bien sûr était qu’il a été plus facile à réaliser que le précédent qui a été fait durant la pandémie et le confinement. Celui-là a été un album très difficile à produire. Je me rappelle que nos billets d’avion avaient été annulés et que nous avons dû repousser les sessions d’enregistrement plusieurs fois. C’était vraiment compliqué. Mais avec cet album, 1977, tout était déjà plus ou moins revenu à la normale, ce qui a facilité grandement les choses. Il n’y a pas eu de gros problèmes. Aussi, cette fois nous avons mixé et masterisé l’album en France, par HK au Vamacara Studio, ce qui est nouveau pour Sirenia. C’était une bonne expérience qui a apporté de la fraîcheur, de la nouveauté à notre son.

Il y a aussi des influences des années 70 ou 80 dans ce nouvel album.

Oui, tout à fait. Je dirais que nous avons toujours été un peu inspirés par cela, peut-être même dans notre premier album. Mais avec celui-ci, nous avons sans aucun doute donné une plus grande place à ces influences. Il y a plus de musique des années 80, disons de la fin des années 70 au début des années 90. C’était une période très spéciale, celle de mon enfance et de mon adolescence. Pour moi, il y a beaucoup de nostalgie liée à la musique de cette époque. Je trouve cela intéressant d’implémenter ces éléments dans la musique de Sirenia, car cela apporte un sentiment de nostalgie et de magie. C’est quelque chose que j’ai toujours aimé, mais avec cet album nous sommes peut-être allés plus loin.

Oui, je suppose que c’était important d’essayer quelque chose de nouveau pour le nouvel album pour qu’il ne sonne pas comment le précédent.

Exactement. C’est ce que nous essayons à chaque album. Nous voulons que chaque album ait son propre son, sa propre identité, en essayant d’apporter quelque chose de frais à chaque fois. Mais c’est aussi important de toujours sonner comme du Sirenia sans trop nous éloigner de notre concept musical.

Peut-être que je dois écouter encore l’album pour vraiment affirmer cela, mais j’ai l’impression qu’il est un peu plus varié, notamment dans les voix.

C’est possible. Emmanuelle est une chanteuse qui peut chanter probablement dans tous les genres de musiques. Cela nous offre tellement de possibilités. Nous avons essayé pour cet album d’utiliser sa voix de façon plus diverse. J’aime la diversité dans les albums et d’essayer de faire des choses différentes autant que possible avec les instruments, et aussi dans les formes et styles de chant.

Sirenia est à moitié français maintenant, avec Emmanuelle Zoldan et Nils Courbaron. En plus, vous avez travaillé avec d’autres Français, comme HK en studio et Cécile Delpoïo pour les photos et vidéos….

Et oui, tant de Français ! Je me souviens d’une tournée il y a quelque temps. En coulisses, le promoteur met toujours une pancarte avec le nom des groupes sur la porte des loges qui leur sont attribuées. Sur la nôtre, c’était écrit Sirenia et Norvège en dessous. Alors Nils, notre guitariste, a pris un marqueur pour enlever « Norvège » et mettre « France » à la place ! C’est vrai, il semble que nous sommes majoritairement français en ce moment ! Deux membres sont Français et seulement un Norvégien, plus un Anglais. Le groupe est français à 50 %, mais ça va, ce sont de très bons musiciens français.

D’ailleurs, cela fait un moment qu’ils sont là maintenant. Comment perçois-tu ce line-up ? Car Sirenia a connu beaucoup de changements.

C’est vrai qu’il y a eu beaucoup de changements au fil des années, mais cela fait 23 ans que nous sommes là, c’est une longue période. Peu de personnes peuvent se dévouer entièrement à un groupe de metal pendant une longue période. Tu sais, cela change souvent lorsque les personnes fondent une famille, veulent acheter une maison et ont des responsabilités financières, etc. Certains trouvent un bon emploi et ne sont plus aptes à tourner. Il y a plein de raisons pour lesquelles c’est compliqué de jouer dans un groupe de metal. Je pense donc que c’est plutôt normal. Cela concerne beaucoup de groupes, et notamment les plus petits ou moyens. Quand tu es dans un gros groupe, c’est beaucoup plus facile car financièrement, tout est pris en charge. Tu n’as alors pas besoin de t’inquiéter à propos de l’argent ou de ton autre travail, ce genre de chose. Pour les autres, c’est beaucoup plus compliqué. Mais en ce qui nous concerne, tout va bien, et ce depuis un bon moment déjà. Je crois que Emma est avec nous depuis 7 ou 8 ans, Nils depuis 5 ou 6 ans, et Michael depuis 4 ans. Cela fait un moment que nous travaillons tous ensemble.

En parlant des difficultés au sein des groupes, je pense à The Agonist avec qui vous avez tourné en 2017, qui ont annoncé leur séparation aujourd’hui, pour des raisons diverses, mais aussi financières.

Oui, j’ai lu ça tout à l’heure, cela m’a attristé. Ce sont des gars super. Nous avons fait une tournée avec eux, il y a 5 ans environ. Quand j’étais appris la nouvelle, j’étais surpris, et triste. Mais je comprends. Je sais combien c’est difficile pour beaucoup de groupes aujourd’hui, même si la pandémie est finie, l’industrie musicale est toujours en difficulté. Beaucoup de salles ont dû fermer, des techniciens ont dû changer de travail et se reconvertir car ils n’ont pas pu travailler pendant 3 ans… Les billets d’avions ont augmenté de 100 %, surtout depuis ici en Norvège. Si tu veux louer un tour bus, cela te coutera 30 ou 40 % plus cher. Financièrement, c’est très dur en ce moment, et ce de manière générale. Les gens ont moins d’argent car ils ont besoin de payer toujours plus pour leur maison, la nourriture est plus chère… Et ils ont moins d’argent pour aller voir des concerts et acheter du merchandising. Les rentrées d’argent diminuent tandis que les dépenses augmentent. C’est une période difficile pour les musiciens.

C’est effectivement compliqué pour tout le monde. Mais restons optimistes, je suppose que vous prévoyez quand même une tournée après la sortie de l’album ?

Oui. Nous essayons de rester optimistes ! Certaines choses se sont quand même améliorées depuis la pandémie, même s’il faut en subir les conséquences. Nous pouvons voyager à nouveau et organiser des tournées, il y a des possibilités. Nous sommes prudemment optimistes ! Avec notre album précédent, nous n’avons pas pu beaucoup tourner. Nous sommes restés chez nous à attendre pendant 2 ans. Ensuite, nous avons pu faire quelques festivals et une petite tournée, mais seulement en Europe. Pour cet album, nous espérons que les choses iront mieux ! Nous avons 4 ou 5 festivals cet été, et en septembre nous allons repartir en tournée européenne pendant 3 à 4 semaines, et espérons plus ensuite, et dans d’autres parties du monde. Ce qui est sûr c’est que cela se passera mieux que pour l’album précédent !

On espère des dates en France !

Oui, nous avons hâte de revenir ! Je n’ai pas encore les dates exactes, mais je crois qu’en septembre il y aura une date ou deux en France. Nous allons annoncer dans les prochaines semaines les dates de la tournée, vous pourrez avoir les informations exactes à ce moment-là !

D’accord ! Avant de terminer, peux-tu dire quelques mots à propos de ton autre groupe, Mortemia ? Une nouvelle chanson est sortie récemment, avec Ambre Vourvahis de Xandria. Peux-tu expliquer le concept, car à chaque chanson, une chanteuse différente !

C’est ça ! Mortemia est un concept qui me permet de faire des collaborations avec différentes chanteuses metal. Jusqu’à présent, je crois avoir sorti 15 chansons sur les plateformes digitales. Sur la dernière, c’est Ambre de Xandria qui chante. Nous avons aussi fait un clip qui est à voir sur YouTube. La chanson s’appelle « The Hourglass ». C’est une très belle chanson et une belle combinaison. Sirenia et Xandria ont ce même équilibre et style. Les deux groupes existent depuis longtemps. C’était très agréable de faire cette chanson avec Ambre, et j’espère que nous pourrons tourner ensemble à l’avenir, ce serait vraiment bien.

Est-ce que tu as prévu de sortir d’autres chansons ? Peut-être un album en CD ou vinyle ?

Oui, il y aura d’autres chansons. Je travaille tout le temps pour Mortemia. La prochaine chanson sortira le mois prochain, avec une personne fantastique de la scène metal. D’autres titres suivront. Je réfléchis à une sortie en CD, j’attends un peu de voir. Je ne sais pas quand je vais le faire, mais il y a des chances que cela se fasse, un peu plus tard.

OK, hâte de savoir qui est le prochain guest ! Je te laisse le mot de la fin !

Je voudrais juste saluer et remercier tous les fans et amis de Sirenia en France ! Nous avons hâte de revenir. Normalement nous jouerons en septembre et on espère tous vous voir !

Merci beaucoup pour cette interview ! Et peut-être à bientôt en tournée !

Avec plaisir ! Merci !

Merci à Morten Veland et à Sounds Like Hell Productions pour cette interview !

SIRENIA – 1977

Sortie le 26 mai 2023 via Napalm Records

Précommander ou présauvegarder : lnk.to/SIRENIA-1977

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