DAGOBA | Entretien avec Shawter

A l’occasion de la sortie du nouvel album du bien connu groupe français DAGOBA intitulé By Night, j’ai eu le plaisir de m’entretenir avec Shawter lors d’une interview fin janvier.

Lire aussi : chronique de l’album By Night

Interview du groupe DAGOBA
Photo : Morgane Khouni

Comment te sens-tu à quelques semaines de la sortie du nouvel album ?

Ça va ! Ça fait déjà un moment qu’on a annoncé sa sortie, et le dernier mois, c’est un peu comme un accouchement : on est vraiment impatients, excités aussi.

Comment le décrirais-tu ?

Je dirais que c’est un album ambitieux, qu’on a pris le temps de composer et de produire. Avec cette pandémie, on a eu plus de temps que d’habitude pour y revenir, s’attacher aux arrangements notamment… C’est l’album qui met le plus l’accent sur les détails de composition : les gimmicks sur chaque chanson, mais aussi l’enrobage de l’album, avec l’intro, l’outro et l’interlude qui donnent une vraie atmosphère globale et très particulière à cet album. Je trouve ça super parce que parfois, on est un peu pressés par le temps et le fait de tourner. Là, malheureusement et heureusement, on a vraiment pu se consacrer qu’à la composition et à la production de cet album, qui est pour moi très abouti.

À chaque album de Dagoba son thème. By Night, comme son nom l’indique, évoque la nuit. Comment s’est fait le choix de ce thème ?

Quand j’eus fini de composer les démos, qu’elles plaisaient à tout le groupe, on s’est réunis tous les quatre pour écouter l’album. On s’est imaginé la photographie, la scénographie, ce que ça nous inspirait… On était tous d’accord : on se sentait dans une voiture, de nuit, en train de traverser une méga cité futuriste. Le titre By Night s’est imposé assez naturellement, et j’espère que les auditeurs pourront ressentir la même chose que nous à l’écoute de cet album.

Il n’y a pas si longtemps encore la vie nocturne était carrément interdite avec les couvre-feux. Est-ce que ça a pu être une inspiration ?

Non, en fait le process de création dans Dagoba ne s’arrête jamais. On a commencé à composer dès la sortie de Black Nova, notre précédent album. On avait déjà des riffs en boîte pour By Night. La situation sanitaire n’a aucunement influencé le propos de By Night.

Et concernant les paroles, quelles ont été tes sources d’ inspirations ?

C’est marrant, car c’est une question qu’on me pose pratiquement à chaque interview, mais depuis assez récemment finalement. Forcément, je me suis penché un peu sur la question puisque ça interrogeait les gens. Et je me suis rendu compte qu’on avait un ratio au niveau des paroles : environ 80 % des paroles parlent d’amour, 20 % traitent de la vie et de la mort. Cet album-là n’y déroge pas ! On n’ est pas un groupe avec des revendications politiques ou religieuses. Je suis assez attaché à la poésie dans les paroles.

Si la nuit est un thème sombre, l’artwork et l’univers des clips sont assez colorés finalement, et tranchent avec les pochettes précédentes.

C’est ce contraste que j’aime aussi, et qu’on retrouve justement dans le thème de l’amour. Ça peut être dur, par exemple lors d’une séparation, et ça peut être aussi tellement coloré et agréable. C’est justement ce qui est intéressant : ajouter de la lumière dans la nuit.

La vidéo de «The Hunt», le premier single, est très cinématographique. Le cinéma et les jeux vidéo sont-ils des influences pour Dagoba voire pour d’autres projets en parallèle au groupe ?

Quand je rentre en période de composition je n’écoute plus de musique, et en particulier plus de metal. Je n’ai pas envie d’être inspiré par ce que feraient d’autres groupes. J’ai envie de proposer la musique que nous en tant qu’individus, on a envie d’entendre. Comme tu peux le voir derrière moi, j’ai énormément de DVD, et je suis un gros fan de l’univers du jeu vidéo. L’inspiration au moment de composer vient donc essentiellement de films, et aussi de jeux vidéo, comme sur notre album Face The Colossus, vraiment inspiré par le jeu Shadow of the Colossus. Je suis clairement beaucoup plus inspiré par les films que je regarde que par la musique que j’écoute. Et j’ai vraiment envie que, de par les arrangements classiques, les auditeurs puissent imaginer que nos albums sont des bandes originales de films. On me dit parfois que nos albums ressemblent à des BO. Ce genre de retour me fait plaisir. Pour le reste, je travaille déjà régulièrement avec l’univers du jeu vidéo, il m’est arrivé de faire des bandes-son pour des jeux. C’est quelque chose que j’explore depuis quelques années.

Pour la vidéo de «The Hunt» vous avez lancé une campagne de financement participatif via Kickstarter, c’est une première pour le groupe.

Effectivement c’était une première ! C’était un financement participatif, mais j’insiste sur le fait que c’était plus une boutique en ligne en pre-order. On n’a pas juste demandé de l’argent au gens pour qu’il financent notre clip sans contrepartie. On a pris soin de proposer beaucoup d’items collector, même des instruments de musique ! C’était une expérience vraiment enrichissante. Nous, ça nous a permis de nous reconnecter avec notre fan base, ce qui était super important durant cette période de pandémie sans concert. Et puis on a été super contents, car on a bouclé la cagnotte en 4 jours. Ça nous a permis de financer un clip qui plaçait la barre beaucoup plus haut que tout ce qu’on a pu proposer auparavant. Ce succès était à la fois gratifiant et enrichissant, car sur la plateforme Kickstarter on communiquait quotidiennement avec les contributeurs en leur proposant des contenus. C’était une belle expérience pour le groupe.

D’ailleurs on peut aussi vous retrouver sur la plateforme Patreon !

Effectivement, on a ouvert un compte Patreon qui propose du contenu exclusif pour les contributeurs. Je ne sais pas trop s’il y a d’autres groupes français qui se sont lancés aussi ? Mais ça s’est démocratisé dans la scène metal aux USA, en Allemagne notamment. On a voulu essayer, et là aussi on est super contents, car ça nous permet d’avoir des interactions assez directes avec les fans. C’est assez excitant, ça nous pousse même un peu dans nos retranchements pour proposer du contenu exclusif. On doit rester créatif en permanence et c’est vraiment enrichissant.

À l’heure actuelle, il y a déjà 3 singles sortis : «The Hunt», «The Last Crossing» et «On The Run». As-tu regardé ce qu’en pensaient les gens, et quelles ont été leurs réactions ?

Oui bien sûr, je regarde les commentaires des fans et on essaye de répondre au plus grand nombre. On est très satisfait ! Comparativement à l’accueil des précédents singles de nos précédents albums, c’est énorme. On ne peut pas se produire sur scène, on ne propose que du 2.0 et on voit que les gens sont quand même là, et réceptifs. C’est gratifiant. On investit beaucoup de temps, d’argent, on met le meilleur de nous-mêmes. Quand on voit que ça fonctionne et que ça plait, c’est super.

Et même pour le nouveau single «On The Run», assez différent, les retours des fans sont vraiment bons !

Ah oui c’est exceptionnel, en termes de vues et surtout d’écoutes sur les plateformes de streaming. On savait pertinemment qu’on prenait un risque parce que c’est un format de chanson qu’on n’avait jamais proposé. Malgré tout, on a toujours eu ce penchant pour l’exploration et proposé des chansons calmes avec des refrains clairs… Ça faisait des années que j’avais envie de proposer un piano-voix pour Dagoba, et ça fait quelques albums que j’avais envie de refaire un featuring. Être un artiste c’est aussi prendre des risques : répéter une même formule à chaque fois, c’est l’usine. On fait la musique qui nous plait à tous les quatre et quand les gens nous suivent on est très contents.

Comment se sont passées la composition et la collaboration avec la chanteuse ?

«On The Run» est la deuxième chanson que j’ai composée pour l’album. Donc elle n’a vraiment pas écrite au dernier moment dans le seul but de faire une chanson calme ou de prendre un risque. Comme on l’a eu assez tôt, on savait qu’elle allait donner le ton de l’album. J’avais déjà écrit par le passé des morceaux piano-voix, mais qui auraient eu leurs places plutôt en interlude ou en intro. Là, c’était le moment d’aboutir enfin ce projet et de le proposer en tant que chanson à part entière.

Quand j’ai commencé à écrire les lignes de voix au piano, j’ai essayé avec ma voix. Mais ça sonnait un peu trop grave, trop crooner, un peu à la Depeche Mode voire à la Etienne Daho, et ce n’était pas vraiment ce que je voulais en termes de composition. Le choix de faire appel à une femme s’est imposé assez naturellement, parce qu’elle pouvait chanter la même ligne de voix, mais une octave au-dessus, donc plus aigu. Ça prenait un sens d’associer la fragilité du couplet avec le refrain.

J’ai cherché dans mes contacts et sur Internet des chanteuses qui pouvaient convenir sur cette chanson. J’ai contacté une amie anglaise qui n’est pas du tout dans le metal. Elle a posé sa voix et ça a marché immédiatement. Elle est exceptionnelle dans son interprétation, le résultat nous plait beaucoup. Et puis ça met un peu de féminité dans Dagoba, plutôt réputé comme une machine, un rouleau compresseur que ce soit sur scène ou sur album.

Mais on ne sait pas qui est cette chanteuse…

Pas encore ! En fait, elle nous a demandé d’avoir la primeur du moment où elle annoncerait son nom. On respecte ça à 100 %.

Si l’électro n’est pas élément nouveau dans la musique de Dagoba, c’est quand même ce qui caractérise cet album, notamment avec les 3 titres instrumentaux. As-tu abordé leurs compositions différemment des autres ?

Tu as raison, on a toujours mis de l’électro dans Dagoba. Je voulais être un peu plus pointu dans ma manière d’utiliser les synthétiseurs. Ça fait 10, 15 ans que j’écoute énormément d’électro. Et là je me suis senti un peu plus prêt à les mettre en avant. Quand je compose, parfois je me dis que je tiens un truc au synthé, mais que ce n’est pas encore assez abouti pour apparaitre sur un album de Dagoba. Là, j’ai estimé que j’étais assez au point et que c’était le moment.

Les synthés ont toujours été présents dans la musique de Dagoba. Mais le groupe dans sa version rock (batterie, basse, guitare et voix) aussi : on entendait donc un peu moins les synthés. Cette fois, l’approche était un peu différente afin de donner un peu d’air dans les compositions, en coupant certains riffs, ce qui fait naturellement ressortir les parties synthétiseurs.

L’impression globale qu’il y a plus de synthétiseurs est due au fait d’avoir une intro, un interlude et une outro 100% consacrée à l’électro. Donc l’enrobage de l’album étant purement électro, ça donne cette impression qu’il y en a plus. Pourtant l’électro a toujours existé dans Dagoba. Cette fois-ci on a mis le groupe un peu plus en retrait, pour donner un peu plus de valeurs aux parties synthétiseur.

D’ailleurs, le fait qu’il y ait une intro ou un interlude n’est pas nouveau non plus !

Oui, c’est quasiment une recette ! Sauf que sur nos précédents albums, c’était soit plus classique dans l’instrumentation avec des violons, violoncelles, piano, soit plus acoustique avec des guitares sèches pour faire reposer l’ambiance. Cette fois, c’est les synthétiseurs ! À la fin de l’album, cela permet de laisser une impression dédiée à cette part de Dagoba.

L’été dernier, vous avez annoncé votre signature avec Napalm Records : comment l’occasion s’est présentée ?

Ça s’est fait naturellement puisque cela fait plusieurs années qu’on est dans leur division événementielle qui s’appelle Napalm Events. Ce sont nos agents pour nos tournées mondiales. Quand a fini d’écrire l’album et qu’on avait toutes nos démos, on les a envoyées à tous les gros labels metal bien connus. Ils ont quasiment tous répondu positivement, prêt à signer l’album tel qu’il était. Napalm nous a montré un enthousiasme particulier, surtout dans leur envie de construire une carrière plus intéressante pour le groupe, notamment à l’étranger, et en nous signant pour 3 albums, ce qui est nouveau pour Dagoba, puisque nous tenions à ne signer à chaque fois que pour un seul album, deux maximum. Napalm nous a convaincus, car ils voulaient vraiment construire quelque chose sur l’avenir. En plus, être à la fois chez Napalm Events et Napalm Records facilite la logistique pour le groupe.

Le label est l’un des plus importants du genre. En quoi peut-il vous aider à vous développer puisque vous êtes déjà un des plus gros groupes français !

On est gros à l’échelle française, mais on a encore d’autres étapes à franchir à l’étranger. Ils veulent vraiment travailler sur ce point-là. On se régale à faire voyager notre musique et à tourner dans d’autres pays. On souhaite continuer d’être présent à l’étranger, passer les étapes supérieures, mais de façon réfléchie.

Vous êtes bientôt en tournée avec Infected Rain en Europe pour trois mois. Comment vous préparez-vous à refaire une si grande tournée après tant de temps loin de la scène ?

On se prépare comme on a toujours fait pour nos longues tournées, que ce soit aux USA, en Asie ou en Europe. Ça demande une préparation physique et technique. On croise les doigts pour que ça puisse se faire car il y a des restrictions différentes selon les pays (ndlr : une partie de la tournée est annoncée comme annulée ce jour). Et on est enthousiaste parce que ça fait longtemps qu’on a pas refoulé les planches, alors que c’est 90% de notre business depuis la crise du disque. On est impatient, et on verra ce qui se passera ! On se prépare mentalement aussi, parce que ça fait longtemps qu’on a pas dit au revoir à nos proches pour une si longue période.

J’espère vraiment que la tournée aura bien lieu ! Merci beaucoup pour ton temps ! Souhaites-tu ajouter quelque chose ?

Je te remercie ! J’encourage les gens qui aujourd’hui découvrent les albums et les écoutent sur les plateformes de streaming, à acheter l’album. Je plaide pour ma paroisse Dagoba, mais pour tous les groupes qui sortent des albums. On nous a coupé les vivres sur les albums avec la crise du disque. Maintenant on a la crise du live… Si l’album vous plait, n’hésitez pas à vous le procurer en version physique ! Nous ça nous permet de survire, ça ne nous enrichit pas vraiment, mais ça nous laisse voir venir les choses et nous permet continuer de proposer du contenu intéressant et de plus en plus qualitatif.

Interview de Shawter pour Dagoba réalisée par Flora Kaïd le 21 janvier 2022.

Je remercie chaleureusement Shawter et Magali de Sounds Like Hell Productions.

By Night de DAGOBA, disponible le 18 février 2022.

DAGOBA By Night

Flora

Rédactrice en cheffe et créatrice de Long Live Metal

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