
Date de sortie : 6 juin 2025
Label : Napalm Records
Genre : Métal progressif
Depuis plus de trente ans, Katatonia façonne l’un des univers les plus nuancés et émouvants du métal progressif. Fondé au début des années 90, le groupe suédois s’est imposé comme un acteur majeur de la scène métal, évoluant avec une rare finesse du death doom originel vers un son plus sophistiqué et atmosphérique.
Mais le 17 mars 2025, coup de théâtre ! Anders Nyström, co-fondateur et guitariste emblématique du groupe, quitte le projet, laissant Jonas Renkse seul membre originel encore actif. Alors que l’ombre d’une possible fin plane sur Katatonia, Jonas Renkse refuse de capituler et engage deux nouveaux guitaristes, Nico Elgstrand et Sebastian Svalland, déterminé à préserver l’essence du groupe, tout en poursuivant son évolution musicale.
C’est dans ce contexte que naît « Nightmares as Extensions of the Waking State », le quatorzième album du groupe. Fidèle à son ADN, Katatonia y approfondit davantage les nuances du désespoir, oscillant entre délicatesse, introspection et puissance sombre. Dans la continuité de « Sky Void of Stars » (2023), ce nouvel opus explore des textures inédites, affirmant une fois de plus que la musique reste pour le groupe un moyen privilégié d’explorer les émotions les plus profondes à travers des mélodies habitées par la mélancolie et la noirceur.
Avec cet opus, Katatonia poursuit son exploration d’un équilibre subtil entre obscurité et espoir. Cet album alterne silences pesants et montées en intensité et mêle vulnérabilité et puissance dans des paysages sonores évoquant dystopie, tourments intérieurs et beauté pure.
Les textes, toujours empreints de poésie et de métaphores, abordent des thèmes profondément liés : solitude et introspection, vision apocalyptique et effondrement du monde. Jonas Renkse considère chacun de ses albums comme des œuvres personnelles et souligne que celui-ci se distingue par des paroles plus ancrées dans la réalité. Chaque titre a été conçu comme un cauchemar, donnant ainsi tout son sens au titre de l’opus, notamment avec le morceau « In the Event Of » inspiré d’un cauchemar qui l’a marqué durant plusieurs années et qu’il a voulu immortaliser en musique.
L’univers visuel de l’album renforce cette ambiance crépusculaire. L’artwork de la pochette, directement influencée par les paroles de « In the Event Of », représente un cerf majestueux, ses bois s’élevant vers un ciel rougeoyant. Son corps est en feu, une vision aussi intense que dramatique car l’animal est totalement stoïque et ne semble pas souffrir de la puissance des flammes qui le brûlent. Comme l’inaction devant la catastrophe. La scène, où nature et destruction cohabitent, est sublimée par une tour de communication et des câbles électriques, ajoutant une touche industrielle à cet univers apocalyptique. Comme si cela faisait écho à notre société actuelle et notre comportement face à la catastrophe écologique vers laquelle nous semblons courir.
Musicalement, Katatonia livre un album où chaque élément est savamment dosé. « Thrice », en titre d’ouverture, annonce immédiatement le ton : sombre, grave, voire gothique, alternant entre riffs lourds et silences pesants. « Warden » se démarque par une ligne de guitare rappelant « Shape of My Heart » de Sting, avec une basse accentuant la dimension sombre du morceau. « Lilac » captive par l’alchimie entre la voix envoûtante de Jonas et des guitares tour à tour imposantes et menaçantes. « Wind of No Change », à mon sens l’un des moments forts de l’album, puise dans des références religieuses comme Satan et Jésus à travers une orchestration puissante et des chœurs quasi incantatoires.
D’autres titres approfondissent cette diversité émotionnelle et musicale : « Temporal » oscille entre fragilité et intensité. « Eften Solen », probablement le titre le plus personnel de l’album, exclusivement chanté en suédois, se distingue par son côté intimiste où la voix de Jonas, accompagnée par un piano, est rejointe progressivement par quelques éléments électro. Ce titre évoque une méditation contemplative sur le temps qui passe et la solitude. Il touche directement notre psyché dès les premières mesures.
L’album conserve les éléments progressifs et doom propres à Katatonia, renforcés par l’arrivée des nouveaux guitaristes, qui insufflent un son beaucoup plus massif. Avec des contrastes entre riffs lourds et harmonies délicates : chaque titre confirme que Katatonia continue de peaufiner son identité sonore, creusant toujours plus profondément dans les nuances du désespoir. Avec « Nightmares as Extensions of the Waking State », Katatonia écrit un nouveau chapitre de son histoire. Malgré le départ d’un de ses fondateurs, le groupe fait preuve d’une véritable résilience en parvenant à insuffler une énergie nouvelle à sa musique, tout en restant fidèle à son essence mélancolique et immersive. Plus centré sur les guitares, cet opus marque une évolution subtile sans trahir l’identité sonore qui fait la force du groupe depuis trois décennies.
Et la suite s’annonce tout aussi prometteuse puisque le groupe partira défendre ce nouvel album sur les routes européennes avec une grande tournée prévue pour la fin d’année 2025 aux côtés d’Evergrey.
A surveiller …