Nouveaux venus chez Napalm Records, les Hongrois de The Hellfreaks s’apprêtent à sortir un nouvel album, Pitch Black Sunset, le 14 avril. Le groupe a déjà une belle carrière derrière lui, débutant en tant que formation psychobilly et évoluant aujourd’hui à la croisée des genres, entre punk rock, hardcore et metal. Rencontre avec la chanteuse Zsuzsa Radnóti alias Shakey Sue lors d’une interview à distance accordée il y a quelques jours pour évoquer le nouvel album de The Hellfreaks !
Pour commencer, comment vas-tu ? Le nouvel album de The Hellfreaks sort très bientôt !
Il sort la semaine prochaine, c’est fou ! Cela fait longtemps que l’on attend ce moment, et j’ai très très hâte maintenant de pouvoir enfin le révéler au monde entier ! Mais tu sais, nous avons déjà sorti quelques singles, donc je pense que les gens savent à quoi s’attendre. Les retours sont super. Et nous allons sortir un nouveau single avec un nouveau clip le jour de la sortie de l’album. C’est une période vraiment enthousiasmante.
Je crois que c’est votre premier album à sortir via Napalm Records. Comment s’est présentée cette opportunité ?
Oui, mais en fait, le groupe n’est pas si jeune, nous avons commencé en 2009, cela fait donc 14 ans, c’est beaucoup. C’est notre cinquième album, nous avons sorti beaucoup de musique pour en arriver là. Et nous avons tourné. Nous avons eu beaucoup de chance. En tant que groupe hongrois, nous avons eu des petits labels indépendants en Allemagne, qui ont fait un super boulot, celui dont nous avions besoin à l’époque. Il faut dire que nous avons commencé le groupe en tant que hobby. Nous étions un petit groupe qui s’est développé petit à petit. Pendant toutes ces années, même si nous avions des labels indépendants, nous avons dû tout apprendre par nous-mêmes. Nous faisions toute la promotion, l’organisation, la coordination, le booking, nous avons tout fait tout seuls. C’est une bonne chose car nous avons beaucoup appris sur tout le processus dans lequel un groupe est impliqué. Avec le temps, tu sais mieux ce dont tu as besoin et ce qui est vraiment important pour toi. Quand nous avons sorti notre quatrième album, nous nous sommes rendus compte qu’en continuant comme ça, nous n’iriont pas plus loin. Nous étions arrivés à la limite. Il nous fallait un partenaire sérieux qui puisse nous aider grâce à son réseau, ses connaissances et son professionnalisme. Il était temps pour nous de rejoindre un grand label. Napalm Records a toujours été dans mon radar car ils ont tant de groupes que j’adore. C’est un label qui aide vraiment les femmes dans le milieu du metal, et c’est quelque chose que je respecte beaucoup. J’avais vraiment envie d’être sur ce label, et c’est arrivé, dans des circonstances presque accidentelles. Mais c’est ce dont le groupe a besoin et c’est une étape très importante pour nous. Ils ont écouté notre première chanson issue de l’album, « Old Tomorrows », ils étaient partants et ont décidés de nous soutenir !
Napalm Records est connu pour ses groupes de metal, et vos anciens albums ne rentrent pas vraiment dans cette case. En fait, je vous ai découvert avec le dernier single, « Weeping Willow », j’ai pensé que vous étiez très metal. Je pense que certains pourraient être surpris par votre musique.
Je pense que ceux qui nous suivent savent que le changement, le mélange de différents éléments que nous aimons, que ce soit la musique punk, hardcore ou metal, c’est l’essence de The Hellfreaks. Je ne pense pas que nous avons été un groupe punk ou que nous serons un jour un groupe purement metal. Nous mélangeons les genres. C’est vrai que l’album précédent était moins agressif et plus punk rock. Le nouvel album est vraiment plus agressif, avec des éléments metal mais aussi électroniques. En fait, cela dépend vraiment de la personne qui l’écoute. J’ai fait des dizaines d’interviews ces deux derniers mois, et c’est très surprenant d’entendre que pour certains, l’album est très metal, pour d’autres très punk. C’est aussi ce qui fait la magie de cette sortie. Cela me rend aussi fière, car aujourd’hui, c’est quasiment impossible de faire quelque chose de nouveau, si tu t’en tiens à un genre. Si tu veux être un groupe de pur punk ou de pur metal, tu ne peux pas te répéter ou faire quelque chose qui a déjà été fait par quelqu’un d’autre, peut être même mieux que toi. Si tu veux créer quelque chose qui n’a jamais été entendu, tu dois avoir le courage d’aller explorer un autre style. Et ça, c’est notre truc ! Pitch Black Sunset montre la face la plus agressive de The Hellfreaks. Mais par tout un tas de raisons, je pense que c’est une étape naturelle après notre précédent album. Bien sûr qu’il est différent de God On The Run, mais pour moi ce n’est pas non plus un autre monde. Le changement a été très naturel pour moi. Je me suis intéressée à de nouvelles techniques vocales, j’ai appris le scream. Je me suis lancée dans cet apprentissage il y a trois ou quatre ans, peut-être plus, car il m’a fallu du temps avant d’y arriver assez bien pour mettre des screams dans notre musique. J’ai ressenti pendant l’écriture de Pitch Black Sunset que c’était le bon moment pour moi, j’en avais envie et je me sentais prête. Notre guitariste a aussi apporté une patte plus metal, tout s’est vraiment naturellement.
Ce qui est sûr c’est que comparé aux premiers albums, cela n’a plus rien à voir !
Nos deux premiers albums sont très différents, parce que nous avons commencé il y a 14 ans, c’était il y a bien longtemps. Nous étions alors un groupe de psychobilly, entre rockabilly et punk rock. Nous avons splitté en 2014 pour diverses raisons, mais l’une d’entre elles était que je me sentais très limitée par le genre. J’adorais toujours écouter du psychobilly, c’est vraiment très fun. Nous avons eu de bons moments. Mais d’un point de vue créatif, je n’avais plus envie de continuer. Nous nous sommes séparés, et c’est seulement par accident que nous avons décidé de reprendre, avec plusieurs nouveaux membres, avec l’idée de ne plus nous forcer à entrer dans un genre, parce que c’était quelque chose que nous n’arrivions pas à faire.
Le nouvel album est vraiment un mix de genres. Il y a par exemple le très punk et catchy « Old Tomorrows » que j’aime beaucoup.
Cette chanson est la toute première écrite pour l’album. En fait, on l’a commencé lors de l’écriture de God On The Run. Nous avions quelques idées mais la chanson n’était pas terminée, nous avons préféré la garder pour la suite. C’est donc devenue la première chanson finalisée pour Pitch Black Sunset. Je pense qu’elle représente bien le style du groupe, car c’est un bon mix de punk et de hardcore. En fait, l’attitude et la vibe aide beaucoup. C’est une chanson qui parle des opposés, de la comparaison entre les générations, les jeunes et les anciennes, comment elles s’accordent ou non. C’est le premier clip que l’on a fait et celui qui a annoncé notre signature chez Napalm Records.
Il y a bien sûr « Weeping Willow », très différente des autres chansons.
Oui. On aime bien mettre une chanson un peu différente dans nos albums. Celle-ci tranche avec les autres. D’habitude, nos chansons se basent sur les parties instrumentales. Les gars créent ensemble l’instrumental, avec déjà une structure, un couplet et un refrain. Seulement ensuite, je viens travailler la mélodie vocale et ajouter les paroles. Mais pour « Weeping Willow », j’avais une idée très précise de la mélodie et du texte que je voulais chanter, et la partie instrumentale s’est ajoutée. C’est aussi pourquoi cette chanson n’a pas vraiment un refrain et un couplet qui se dégagent. La structure est inhabituelle et c’est aussi une chanson très personnelle. C’est un peu ma préférée. Je l’aime beaucoup, et j’aime le contraste, quand des éléments calmes et très dynamiques se rencontrent. C’est quelque chose qui me touche en général, en écoutant aussi d’autres groupes. Nous avons eu de très bons retours sur cette chanson, les gens l’ont beaucoup aimé. Beaucoup nous découvrent avec elle. J’aime aussi beaucoup notre vidéo, qui a été tournée d’après mon idée. Normalement, nos chansons sont très rapides, et c’est très serré en concert. Quand on joue, c’est comme un entrainement très intensif ! Je suis contente d’avoir un morceau qui permette de casser le rythme et de souffler un peu !
Vous avez choisi de concevoir l’album avec une introduction, et une outro. Quelle en est la raison ?
Oui, je crois que nous avions eu une intro et une outro sur notre premier album, donc effectivement ce n’est pas trop dans nos habitudes. Nous voulions faire cela par rapport au nom de l’album, Pitch Black Sunset. L’intro, « Sunrise » correspond au lever du soleil, et l’outro, « Sunset » au coucher du soleil. L’idée était de créer une histoire sur une journée, du début à la fin. C’est aussi pourquoi « Weeping Willow » est au milieu, avec une histoire qui l’entoure.
Tu as évoqué ton travail sur les paroles, peux-tu m’en dire plus ?
Oui, j’écris seule les paroles, c’est le dernier élément à ajouter. Souvent, quand la chanson est presque terminée, je ne sais toujours pas de quoi je vais parler. Cela arrive. Je suis toujours inspirée par les choses sombres, je suis assez mauvaise pour parler d’amour, de bonheur… C’est ce qui me touche, donc voilà pourquoi mes paroles sont assez sombres. Aussi, je n’écris pas très vite. Souvent, je laisse poser mes textes durant des semaines, jusqu’à ce que je décide qu’ils sont assez bons. Il y a une personne à qui j’envoie mes textes. C’est ma meilleure amie et je lui fait confiance. Elle me donne son avis, me dit si elle comprend mon idée… Elle est artiste et vit à Londres. Elle est la seule à les regarder avant que j’enregistre. Autre chose, je suis incapable d’écrire mes paroles sur ordinateur. J’ai besoin de papier et d’un stylo. Je couche toujours mes idées dans un carnet, comme celui-ci qui est tout neuf. Je peux écrire mes textes sur des pages et des pages, les modifier, les rayer et les jeter à la corbeille. Je me dis que c’est mauvais, et parfois je reviens dessus en me disant que ce n’était pas si mal… C’est tout un processus avant qu’un texte soit terminé. Les seules paroles qui m’ont pris une journée sont celles de « Chaos », mais généralement c’est bien plus long !
Je pense que vous êtes le seul groupe de Hongrie que je connais. Peux-tu me parler de la scène punk/metal hongroise ?
Bien sûr. Et bien, la Hongrie n’est pas un un si grand pays. La scène live est centralisée à Budapest, même si bien sûr il y a beaucoup de groupes en dehors de la capitale. Au regard de la taille du pays, je pense que nous avons beaucoup de groupes très créatifs, très motivés, et des musiciens géniaux qui essaient de nouvelles choses. Mais en même temps, c’est assez difficile d’avoir un groupe en Hongrie, beaucoup d’entre nous doivent se battre. La scène rock underground, que ce soit le punk, le metal ou autre, a vu beaucoup de petites salles fermer. Les clubs dans lesquels nous avons joué il y a une dizaine d’année sont fermés. Il n’en reste plus que quelques uns qui peuvent accueillir, disons 100 ou 200 personnes. C’est très important, pour conserver une scène rock’n’roll underground, d’avoir des petits clubs pour faire jouer les petits groupes. Malheureusement nous n’en avons plus vraiment. Il y a des salles pour accueillir les gros groupes, et c’est cool. Mais pour pouvoir soutenir les jeunes, il nous manquent ces petites salles. Et puis, financièrement, c’est très difficile ici en Hongrie. C’est assez délicat de faire des concerts. Je dois dire que je suis assez inquiète de la situation, comment cela va affecter la scène. Les Hongrois sont les Hongrois, j’imagine que l’on va s’en sortir, parce ce que ce l’on a toujours fait. Ce qui rend la scène hongroise particulière par rapport à d’autres pays européens, c’est que nous n’avons jamais vraiment séparé les clubs metal des clubs punk ou hardcore. En Hongrie, tout est lié, et je pense que nous n’avons jamais vraiment séparé les genres. J’ai vu cela en Allemagne par exemple. Je pense que c’est une spécificité hongroise.
Je voulais aussi te parler de la France, car vous avez filmé un clip, « Godless Girl’s Fun » il y a un moment déjà, à Montpellier.
Oui, c’est je crois l’histoire la plus folle qui nous est arrivée ! C’était il y a plus de 10 ans. Nous étions en tournée en Europe, avec plusieurs dates en Espagne. Bien sûr pour aller là-bas, nous nous sommes arrêtés en Allemagne et en France. Nous avons joué à Montpellier dans un lieu vraiment très sympa. Je ne sais pas s’il existe encore… Comment ça s’appelait… La Secret Place je crois ?
Oui, c’est ça ! La salle est toujours ouverte !
Super, j’adore cet endroit ! Nous y avons joué deux fois. C’est vraiment un club génial. Nous y avons joué un super concert, c’était cool. Et donc, après le concert, un gars est venu me voir. Je ne le connaissais pas. Il m’a dit qu’il nous avait vu et qu’il pensait que le groupe avait beaucoup de potentiel, et qu’un jour, on deviendrait un grand groupe. Il voulait pouvoir soutenir le groupe en filmant un clip un jour. Il nous a donné sa carte, avec son nom et son numéro. J’ai dit, ok merci beaucoup, c’est vraiment gentil. Mais après cette petite conversation, nous avons continué notre tournée jusqu’en Espagne. Et pour être très honnête, pour moi ce n’était pas très sérieux. En tant que groupe hongrois, à l’époque, cela nous semblait impossible financièrement de revenir en France pour tourner une vidéo. Je me suis dit que c’était vraiment gentil de sa part, mais c’est tout, rien ne se ferait vraiment. Et puis, sur le chemin du retour, de l’Espagne à la Hongrie, nous avons eu un jour off. Nous avons décidé de passer la journée ailleurs que sur la route. J’ai dit aux gars, on a cette carte, et si j’appelais, pour voir. On ne sait jamais, on n’a rien à perdre. Alors je l’ai appelé et je lui ai dit que nous pouvions faire un stop, et peut-être venir une fois par an. Si tu veux faire quelque chose, on peut le faire. On a même une nouvelle chanson ! Et c’était juste incroyable. Ce gars est juste dingue. On lui a passé notre chanson, et en 24h, il a écrit le concept de la vidéo, organisé le plateau, le lieu de tournage, rassemblé des comédiens, des maquilleurs, tout ! Depuis, nous avons tourné beaucoup de vidéos et je peux te dire que c’est extrêmement difficile à organiser. Je ne sais pas comment il a fait, je n’en ai aucune idée. Nous sommes arrivés, il a été super sympa. Tout le monde a été très gentil. Il avait une bonne idée, un bon concept. Il nous a beaucoup aidé et a réalisé une superbe vidéo. Je ne pensais pas que cela puisse arriver. Mais c’est arrivé. C’est l’une de ces histoires qui réchauffent le cœur et que j’adore raconter. J’ai pris froid durant ce tournage, j’ai été malade pendant les deux semaines qui ont suivies. Mais ça en valait vraiment la peine.
Est-ce qu’on pourra vous revoir en France ?
Certainement. Nous venons d’annoncer quelques dates en Allemagne et en République Tchèque. J’espère que cette année, nous pourrons dévoiler plus de dates. J’ai vraiment envie de retourner en France, et particulièrement à Montpellier et à la Secret Place que j’adore !