Le groupe metalcore ukrainien a sorti ce 23 septembre 2022 son nouvel album IMAGO via Napalm Records. Olexii « Alex » Zatserkovnyi et Dmytro « Dima » Kozhukhar, chanteurs de SPACE OF VARIATIONS m’ont accordé une interview pour nous en dire plus.
Bonjour ! Merci de m’accorder un moment. Comment vous sentez-vous à une semaine de la sortie du nouvel album IMAGO (interview réalisée le 15 septembre – nldr) ?
Dima : L’album sort dans une semaine ? Tu sais, il se passe beaucoup de choses en ce moment. La sortie a été repoussée plusieurs fois et maintenant, il sort dans une semaine. C’est super. Mais en même temps… Tu prépares un très gros projet, tu le sors et tu ressens comme une sorte de vide… C’était vraiment une aventure que d’écrire cet album. Mais ca y est, oui, il sort enfin !
Alex : Bien sûr, on a vraiment hâte parce qu’on a ait écouté l’album à nos amis, à des collègues musiciens, et ils nous ont dit que c’était un super album. Maintenant on a très envie de le partager au monde entier et de voir la réaction des gens, ce qu’ils en pensent, ce qu’ils ressentent. On attends, mais on va devoir se préparer.
Dima : On va avoir du travail. La sortie d’un album demande beaucoup de travail aux groupes : la promotion, les publications sur les réseaux sociaux, les publicités et interviews… Mais on a hâte !
Quel a été le process pour l’écriture de cet album ? Avez-vous changé votre façon de faire par rapport au précédent ?
Alex : Oui, le process a été un peu différent. Ce n’était pas que nous voulions le changer, ça s’est fait comme ça. La plus grande partie de nos albums précédents a été écrit dans notre studio de répétition. Nous écrivons tout ensemble. Mais pour cet album, nous avons écrit la plupart du temps sur nos PC. Nous nous asseyions dans le studio, écrivions nos morceaux dans le logiciel, puis nous les jouions live. C’est ça la grande différence je pense.
Dima : Au début, nous avons essayé d’écrire une chanson au studio. Mais ça n’allait pas, il manquait quelque chose. Alors nous avons changé notre manière de faire. Alex nous a donné des premiers jets d’électronique et c’était le meilleur moyen de commencer.
Alex : En fait, quand tu composes un morceau en répèt, avec le groupe tout autour, tu es plongé en plein dans ta musique. Mais quand tu écris sur ton PC, tu l’écoutes de l’extérieur et tu perçois sa structure dès le début. Cette approche a marché pour nous cette fois.
Quels sont les sujets que vous abordez vos textes ? A première vue, en regardant l’artwork et les titres des chansons, il y a vraiment ce thème de l’espace et d’un autre monde. Mais les textes sont plutôt de l’ordre de l’intime, des sentiments…
Dima : Oui, c’est toujours une question d’espace, de monde extérieur et intérieur, du cosmos et de l’intime. Pour nous, c’est la même chose. Il y a le mot espace dans le nom du groupe, bref nous sommes assez branchés « espace » (rires). Nous aimons cette atmosphère cosmique. Les questions que l’on se pose se reflètent dans nos textes, dans l’artwork, dans les titres. Cette combinaison, c’est tout simplement le concept de notre groupe. Nous essayons d’exprimer notre monde intérieur dans le monde extérieur. Et chaque chanson est conçue comme un monde différent pour emmener les gens dans différentes dimensions.
Alex : En ce qui concerne les paroles, je pense que pour IMAGO, elles sont plus profondes qu’auparavant. Ce n’est pas que nos textes ne l’étaient pas avant, mais cet album est un mix de toutes nos expériences dans l’art, dans la vie, et dans l’écriture. Je sais que Dima s’est plus ouvert sur cet album. Nos paroles sont plus complexes, plus détaillées, plus profondes, plus intéressantes, et même plus étranges, plus métaphoriques. Plus tout ! (rires)
Dima : Je pense que tout est plus profond que ce qu’on a pu faire avant. Je ne sais pas pourquoi, peut-être la quintessence de l’espérience. Pour le moment, on dirait que c’est l’album parfait, mais c’est vraiment ce que l’on ressent. Nous avons tous mis dans cet album. Nous espérons que les gens vont l’aimer, qu’ils vont comprendre ce qu’est notre groupe et ce dont parlent nos chansons. Et si ce n’est pas le cas, qu’ils puissent au moins apprécier son atmosphère.
En parlant de titres, certains sont écrits en majuscules, d’autres non. Est-ce qu’il y a une signification ?
Alex : (rires) Nous avons fait beaucoup d’interviews avec des personnes du monde entier. Et j’ai l’impression que les intervieweurs sont tous connectés. Tu as décidé de nous poser cette question à propos de nos titres, et beaucoup d’autres personnes nous ont interrogé sur nos titres étranges. Pour moi, c’est le signe que ça marche ! Ces titres accrochent le regard. C’est l’une des principales raisons. Quand tu vois l’album sur Spotify, YouTube Music ou ailleurs, tu vois l’artwork, le nom du groupe, et puis cette drôle de tracklist. Tout ça te donne une première impression sur l’album. Toutes ces choses fonctionnent comme des hameçons. Cela fait parti de notre art.
Dima : Ça marche, mais je trouve ça étrange car pour moi c’est normal. Nous essayons toujours de rendre les choses intéressantes. Ce n’était pas grand chose de faire ça, mais on pensait que c’était plus intéressants que les titres habituels. Et maintenant nous avons tellement de questions à propos des titres des chansons.
Sur IMAGO, on retrouve plusieurs featurings, dont «1M followers» avec Denis Stoff. Comment est venue l’idée de cette collaboration ?
Dima : Nous avons rencontré Denis à l’un de nos concerts, à Kiev, il y a quelques années. C’était notre plus gros concert en tête d’affiche. L’un de nos amis l’avait appelé. Après le concert, il est venu au merch prendre un t-shirt. Plus tard, je l’ai contacté via Instagram et nous avons discuté. Quand nous avons commencé à écrire l’album, j’ai pensé que ce serait une bonne idée de l’inviter car c’est une personne intéressante et connue dans l’industrie musicale. Et il est l’un de ces gars originaire d’Ukraine qui a réussi. Il a fait des tournées aux Etats-Unis, et nous on est là, à se demander comment il a fait ! Il nous montre que c’est possible. D’une certaine manière, il a changé la mentalité de beaucoup d’artistes ukrainiens. Même un gars normal d’une petite ville peut y arriver et faire de grandes choses. En tant qu’artiste, c’est quelqu’un pour qui j’ai beaucoup de respect. Quand on lui a dit qu’on aimerait faire quelque chose avec lui, il s’est montré très enthousiaste. Nous avons commencé à écrire la chanson, nous avons beaucoup communiqué ensemble, et maintenant c’est l’un de nos plus proches amis. J’espère qu’on pourra sortir un clip avec Denis, tout est prêt, mais il faut du temps… Avec cet album, nous avons voulu faire cette expérience qu’est le featuring pour la première fois, que ce soit avec Alyona ou Denis, c’était nouveau pour nous.
Alex : Denis a fait parti d’Asking Alexandria, et leur album The Black a été écrit lorsqu’il était dans le groupe. Bien sûr, il a travaillé sur beaucoup de projets avant. Maintenant il a Drag Me Out, qui est l’un des meilleurs groupes ukrainiens, et je crois qu’ils vont enfin pouvoir jouer et conquérir la scène metal. Mais pour ceux qui ne connaissent pas Denis, il a crée cet album d’Asking Alexandria et il est un grand artiste et une personne talentueuse.
Il y a aussi, comme tu l’as évoqué, ce titre avec Alyona Alyona, « Ultrabeat », que l’on a déjà pu découvrir en single il y a plusieurs mois. Je trouve que c’est un titre vraiment intéressant, à la fois pour le côté rap et pour la langue ukrainienne.
Dima : Nous avons rencontré Alyona Alyona il y a quelques années, alors qu’elle commençait juste sa carrière. Nous avions sorti la vidéo de «Moonlight», extrait de notre album précédent, et elle a laissé un commentaire sur la page Facebook d’Alex, disant qu’elle aimait bien la chanson. On s’est contacté puis on l’a invité à un concert. Elle est vraiment très sympa et simple. Je l’ai recroisée à un festival, et dans mon esprit, ça a fait tilt. Peut-être que ce serait cool d’associer le metal avec sa voix et sa façon de rapper. Quelques jours après, je l’ai appelé en lui expliquant que ce serait vraiment cool pour ton audience de la voir dans un autre genre, et pour la nôtre qui n’a pas l’habitude d’entendre ça de notre part. Elle a dit qu’elle le ferait si on faisait une bonne chanson. On l’a fait, elle l’a aimé, et ensuite on a tourné une vidéo !
Oui, d’ailleurs vous avez déjà sorti 5 vidéos. Je sais que l’album a été repoussé, mais est-ce aussi un choix dès le départ de sortir autant de titres avant la sortie de l’album ?
Dima : C’est une question de promotion, mais aussi la possibilité d’apporter un visuel à nos chansons. Nous aimons toutes les chansons, et nous aimons pouvoir imaginer quels visuels créer. 90 % de nos vidéos sont produites par le groupe, que ce soit les idées, les costumes, la réalisation… C’est notre vision. Nous aimerions en sortir encore au moins deux.
Alex : C’est important de sortir des singles avant la sortie de l’album pour le promouvoir et attiser la curiosité des auditeurs. Ils écoutent une chanson qui leur plait, puis une autre, et leur intérêt augment jusqu’à ce qu’on sorte l’album. Plutôt que de sortir un single puis l’album de 10 titres, les gens ont déjà écouté une partie des titres. C’est une expérience différente.
Il y a un sujet, je ne sais pas si vous avez envie d’en parler, peut-être que vous avez trop de questions et que cela vous dérange… C’est celui de la guerre en Ukraine. Est-ce que c’est important pour vous d’en parler en tant que musiciens ? Est-ce que cela va impacter votre musique ?
Dima : Non, ce n’est pas un problème d’en parler, parce que c’est une question existentielle pour nous, notre pays et notre patrie. C’est très important pour nous. Là, nous sommes en Europe, nous allons bientôt partir en tournée car le Ministère de la Culture a approuvé notre voyage. Nous ressentons le besoin d’en parler le plus possible, que ce soit sur scène ou en coulisses. Bien sûr, nous parlons aussi d’autres choses, mais il ne faut pas que les gens oublient ce qui est en train de se passer pendant que la Terre continue de tourner. Nos amis, nos familles se battent pour notre avenir, pour conserver notre droit de choisir. Ils se battent pour les gens. Le reste du monde progressiste nous soutient et on le ressent vraiment. C’est très important pour nous, car sans ce soutien, l’Ukraine tomberait. Vous nous aidez, vous savez pourquoi. Parce que c’est important pour le monde, pas seulement pour nous.
Alex : Est-ce que l’on en parlera dans nos prochains albums ? Bien sûr, mais je pense que c’est déjà le cas actuellement. La guerre n’a pas commencé en 2022. Tout cela a commencé au moins en 2014 quand l’Ukraine a été envahie par la Russie dans la région du Donbass. Je pense que l’on avait déjà ces pensées quelques part, dans nos paroles, dans notre musique et son ambiance. Cela fait partie de nous. C’est terrible, c’est un traumatisme psychologique et pour notre avenir. On a parlera dans nos prochaines œuvres, c’est sûr. Nous voulons croire qu’il y a de la lumière au bout du tunnel.
Dima : On ne veut pas construire une sorte de réalité parallèle. Nous sommes dans cette situation en ce moment. J’espère que cela va s’arrêter dès que possible.
Alex : Oui, et comme l’a dit Dima, nous préparons deux tournées, l’une en Europe (avec Within Destruction, Bound In Fear et Earth Caller feat Misstiq en septembre et octobre – ndlr) et l’autre aux USA. Nous devons parler de cette situation, dire la vérité aux gens. Nous avons cet outil qui est la culture, nous devons l’utiliser.
Je vois qu’il est bientôt l’heure de se quitter, souhaitez-vous ajouter quelque chose ?
Dima : Oui, j’aimerais ajouter quelques mots. Pour moi, le monde était une réalité différente. Maintenant, cela a une tout autre signification pour moi. J’espère que le reste du monde n’en fera pas l’expérience. Cette réalité est plus dure que tu puisses imaginer. J’espère que le mot « guerre » restera pour la plupart des gens un mot qui renvoie seulement au passé, ou a des paroles de chansons, ou a des films. Je ne souhaite à personne de ressentir cela. C’est une réalité très dure, surréelle et très sombre. La guerre montre ce qu’il y a de pire chez certaines personnes, mais aussi le meilleur. C’est une expérience profonde et qui nous transforme.
Alex : J’essaie toujours d’imaginer le monde, la planète, qui ne connaîtrait pas la signification du mot guerre. Je sais que cela parait être de la science-fiction ou psychédélique d’imaginer cela. Mais j’espère que dans un futur lointain, l’humanité réussira élever sa conscience pour cesser tout cela et arrêtera de se créer des problèmes impliquant la mort, le sang, la tuerie, et que le gens deviendront meilleurs et conscients.
Merci beaucoup pour votre temps. Je vous souhaite le meilleur pour l’avenir, la sortie de l’album et pour la tournée qui arrive.
Dima : Merci à toi. On se verra peut-être lors d’un concert !
Alex : Merci à toi. Nous serons le 4 octobre à Paris (au Glazart – ndlr), si vous n’habitez pas trop loin, venez nous voir !
Interview réalisée le 15 septembre 2022 : merci à Alex et Dima de Space of Variations ainsi qu’à Napalm Records .
SPACE OF VARIATIONS – IMAGO
23 septembre 2022
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