PATRIARKH – ПРОРОК ИЛИЯ (Engl. Prophet Elijah)

Date de sortie : 3 janvier 2025

Label : Napalm Records

Genre : Black Metal

Patriarkh | The Official

Tourner une page pour mieux entamer un nouveau chapitre c’est ce que semble avoir compris Patriarkh en changeant de nom de scène (anciennement BATUSHKA) en cette fin d’année 2024. Connu pour son style spécifique, sorte de fusion entre black metal et doom, le groupe nous entraine cette fois-ci dans l’exploration sombre et profonde de la vie d’Eliasz Klimovicz, paysan polonais devenu « Prophète Elijah » et chef de la secte orthodoxe « Grzybowska », active principalement entre les années 1930 et 1940. Quoi de mieux pour cette renaissance musicale qu’un album concept inspiré d’une histoire réelle ? Nouveau projet, nouvelles ambitions certes, mais le groupe n’en perd pas pour autant sa marque de fabrique : mélanger le sacré orthodoxe au black metal.

L’album s’articule autour de huit morceaux intitulés « Wierszalin I » à « Wierszalin VIII », chacun représentant une étape cruciale de l’histoire de cette commune spirituelle, de sa création à son apogée jusqu’à sa dissolution. Le choix du sujet a longuement été réfléchi par Bartłomiej Krysiuk, tête pensante du groupe, car l’histoire de cette communauté fait partie des légendes de la ville dans laquelle il a grandi. Wierszalin, présenté comme une « Nouvelle Jérusalem » par Klimowicz, devient le théâtre d’une narration sonore riche et nuancée. Afin de nous permettre de visualiser en musique tout le parcours de cette petite société, le groupe utilise des extraits de la pièce de théâtre « Prorok Ilja » de l’auteur Wlodzimierz Pawluczuk ainsi que des textes folkloriques et liturgiques polonais.

L’album s’ouvre sur une ambiance sombre et mystique avec le titre « Wierszalin 1 ». Ce morceau d’un peu plus d’une minute nous plonge au cœur même de ce lieu de culte. L’atmosphère se pose progressivement et le récit se dévoile par l’usage du monologue qui occupe une place cruciale dans l’album à la fois en tant que dispositif narratif et expression artistique. Dans les premiers morceaux (« Wierszalin1 » et « Wierszalin 2 »), le monologue est utilisé pour incarner la parole du prophète, donnant vie à ses visions et à ses révélations. La voix est grave ce qui donne une aura presque surnaturelle au discours. Mais son utilisation ne semble pas se limiter à cette fonction et permet également aux disciples de s’exprimer. A l’instar du titre « Wierszalin VI » ou le sermon évoque les désillusions d’un membre de la communauté. La voix exprime la solitude et le désespoir. Les monologues servent de piliers narratifs et nous guident dans les différentes étapes du récit. A noter que le groupe a choisi pour la première fois de s’exprimer en plusieurs langues, en anglais et en polonais.

La voix d’Eliza Sacharczuk, ancienne professeur de chant du groupe, marque un fort contraste avec la violence des screams et des riffs de guitares. Elle incarne par moment des instants de pureté, d’introspection à l’image de ses interventions dans « Wierszalin III » et « Wierszalin V ». Elle évoque aussi la voix de la sagesse, de l’innocence. Elle humanise le récit, met en avant les doutes des adeptes, s’élève au milieu du Chaos, comme dans « Wierszalin VI ». Elle incarne à la fois la lumière, la fragilité et l’espoir au cœur de l’histoire.

Les monodies, autres techniques vocales utilisées, viennent enrichir l’album. Inspirées des chants religieux orthodoxes et profondément influencées par les traditions grecques et roumaines, elles évoquent l’austérité des prières collectives et renforcent l’immersion de l’auditeur dans le récit. Elles donnent aux compositions un aspect lyrique et amplifient la connexion spirituelle. Par ce biais, le groupe souhaite présenter dans sa nouvelle musique différents aspects des traditions orthodoxes de l’Est.

Le mariage entre le folklore des instruments traditionnels et les riffs du métal s’impose comme l’un des points forts de l’album. La tagelharpa, la mandoline et la vielle à roue s’intègrent harmonieusement aux guitares saturées et à la puissance de la batterie, créant une ambiance à la fois mystique et viscérale.

Patriarkh nous offre ici une œuvre multidimensionnelle qui réunit musique, narration et spiritualité. Le groupe fusionne avec audace des éléments rituels et sacrés à la brutalité et à l’intensité du black métal. Son aspect lyrique nous permet d’envisager cet opus comme un opéra dont les titres seraient les mouvements d’une symphonie. Cet album élève leur musique au-delà des standards du genre et marque une étape importante dans leur démarche artistique, les positionnant comme des conteurs musicaux. « Prophet Elijah » est un album riche, théâtral et magistral.

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