
Hasard du calendrier ou choix délibéré, c’est seulement quelques jours après les célébrations remémorant l’Armistice du 11 novembre 1918 que le groupe 1914 présente son nouvel album, Viribus Unitus. Porté par le désir de mettre en lumière le conflit terrible que fut la Première Guerre Mondiale, le quatuor opte pour une approche différente sur ce quatrième album en explorant les rapports humains en temps de guerre, un contexte que connaissent malheureusement bien les musiciens, originaires d’Ukraine. Pour cela, nous allons suivre le parcours d’un soldat sur les quatre longues années du conflit. La force de cet opus, tout comme Where Fear And Weapons Meet (2021), reste sans nul doute l’aspect narratif de la musique et des textes, offrant une immersion totale dans un récit sombre, douloureux, dont on ne ressort pas indemne.
L’album débute comme toujours par sa traditionnelle intro. « War In (The Beginning of The Fall) » pose le contexte historique avec l’hymne de l’Empire Austro-hongrois. Le protagoniste, Ivan Pišta, intègre l’armée impériale, point de départ de son parcours durant la Grande Guerre. C’est pour lui le début des plus dures épreuves, qui commencent avec le siège de la ville polonaise Przemyśl, narrée dans « 1914 (The Siege of Przemyśl) ». Le morceau débute avec l’énergie et la puissance d’un death mélodique teinté de rythmiques black metal, ponctué d’un interlude où résonnent les cors d’un régiment, comme une archive d’époque. L’usage des samples reste très présent, renforçant l’aspect quasi documentaire de la musique.
« 1915 (Easter Battle for the Zwinin Ridge) » poursuit avec un black/death rapide, parfois progressif, où le chant principal, agressif, s’efface au profit d’un chœur en ukrainien, terminant sur une note presque religieuse. « 1916 (The Südtirol Offensive) » et « 1917 (The Isonzo Front) » continuent le récit : notre soldat traverse l’Europe, transféré sur le front italien. Une victoire pour l’empire austro-hongrois, mais au prix de nombreuses pertes. Musicalement, 1914 l’illustre avec un black death épique, entre mélodie et puissance. Nous sommes au cœur de la guerre, l’Europe est à feu et à sang.
Mais arrive ensuite un triptyque consacré à l’année 1918. La fin de la guerre approche, mais il faut encore affronter l’horreur sur le front et dans les tranchées, où les soldats connaissent des pertes considérables, comme dans les camps, où les prisonniers subissent la faim et la maladie. Dans « 1918 Pt. I: WIA (Wounded in Action) », notre protagoniste vit un cauchemar. Blessé à la tête, il est emmené, inconscient. A son réveil, il est en captivité. Ses cris d’effroi résonnent sur un metal lourd, plus lent. A partir de ce morceau, 1914 se tourne alors vers un doom/death metal sombre. «1918 Pt 2: POW (Prisoner of War) » invite le chanteur heavy metal Christopher Scott (Precious Death), tandis que « 1918 Pt. 3: ADE (A Duty to Escape) » voit la participation de l’une des grandes figures du doom mélancolique, Aaron Stainthorpe (ex-My Dying Bride, High Parasite). Ce dernier, de sa voix grave, presque funeste, exprime la nécessité de garder espoir pour s’échapper et retrouver les siens… Malheureusement, certains n’y parviendront pas.
Notre héros réussit à retrouver son foyer dans « 1919 (The Home Where I Died) », mais pour un court instant… Est-ce bien réel ou seulement un rêve, se demande-t-il ? Le morceau au piano dévoile une belle mélodie, bien que triste, et un chant clair assuré par Jerome Reuter (Rome). Les tambours ne sont jamais loin : la guerre est-elle vraiment finie ? Il est temps de retourner au combat et de rejoindre l’armée ukrainienne pour défendre la liberté… L’album se conclue par ces derniers mots : « The war that never ends », faisant tristement écho à l’actualité, puis avec l’outro « War Out » qui reprend le premier hymne ukrainien.
Avec Viribus Unitis, 1914 propose une œuvre complète, documentée, qui nous fait découvrir cette page de l’Histoire à travers le regard d’un soldat d’Europe de l’Est. Les textes transmettent un contexte historique, une émotion, et suscitent la réflexion… Quant à la musique, elle n’est pas qu’un simple vecteur pour délivrer un message. Elle renforce la narration, illustrant les combats avec un blackened death rapide, agressif, ou des conditions de vie effroyables via un doom mélancolique. Que l’on soit féru d’Histoire ou seulement amateur de metal, ce nouvel album de 1914 nous touchera d’une certaine manière, ne serait-ce que par sa qualité de composition et son mélange des genres réussi.
Pour vivre l’expérience 1914 live, rendez-vous le 16 avril 2026 à Paris (Backstage By The Mill) et le 20 juin 2026 au Hellfest (Temple).
