FAUN – Hex

Date de sortie : 5 septembre 2025

Label : Pagan Folk Records

Genre : Pagan Folk

Si tu aimes: Wardruna, Heilung, Subway to Sally, Eihwar, Tergo Lupi

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Fermez les yeux et imaginez-vous au cœur d’une forêt, les cimes des arbres se balancent au gré du vent, les fleurs sauvages bordent votre route, et soudain, vous entendez au loin quelques notes de vielle à roue, des battements de tambour et une voix qui vous murmure « Magic is intention that turns a song into a prayer » *. Le décor est planté, vous y êtes ? Car rien de tel qu’un refuge forestier pour apprécier pleinement « Hex », le dernier album de Faun, le groupe de pagan folk le plus prolifique de ces vingt dernières années.

Fondé en 1998 par Oliver Pade, Faun compte désormais à son actif une douzaine d’albums depuis la sortie de son premier opus « Zaubersprüche » en 2002. Un succès fulgurant et une recette toujours similaire malgré de nombreux changements de line-up. La singularité de la musique de Faun repose dans le mariage subtil des instruments anciens, tels que le bouzouki irlandais, la nyckelharpa, la vielle à roue ou encore la mandoline celtique, avec des synthétiseurs, samplers ou des guitares électriques. Les six membres sont multi-instrumentistes, ce qui fait de chaque album le fruit d’un travail collectif considérable. Le groupe explore, à chacun de ses nouveaux projets, des thématiques liées à la nature et « Hex » ne déroge pas à la règle.

Il aura fallu trois longues années pour que ce nouvel opus voie le jour. Principalement écrit et composé durant la dernière tournée du groupe, « Hex » est le prolongement de « Pagan », sorti en 2022, dans lequel le groupe  propose une introduction musicale au paganisme à travers des titres explorant les thèmes de la sorcellerie, des traditions druidiques et celtiques et des rites vikings. Le thème de la sorcellerie a suscité tellement d’intérêt auprès du public que les membres du groupe ont décidé de consacrer leur prochain projet exclusivement sur ce sujet.

« Hex » est inspiré de l’allemand « Hexe », qui signifie « sorcière », et de l’ancien haut allemand « Hagazussa » (« celle qui marche entre les mondes »). L’album rend donc hommage aux figures féminines mystiques (sorcières, guérisseuses, sage-femmes) à travers différentes cultures : celtique, anglo-saxonne, allemande, turque. Nous sommes bien loin des clichés de la sorcière au nez crochu, au rire diabolique, parcourant le monde sur son balai magique. Ici, l’écriture et la composition des titres ont fait l’objet d’un travail de recherche très documenté et approfondi, basé sur des sources historiques authentiques. Le leitmotiv du groupe : permettre au public d’apprendre grâce à la musique.

Cet opus se déploie donc comme un recueil de douze chapitres. Le titre « Belladonna » ouvre le bal. Inspiré du chant traditionnel anglo-irlandais « As I roved out », ce morceau mêle les sonorités latines de la cumbia et du reggae au folklore celte et aux guitares électriques. Faun nous raconte une histoire qui, musicalement, joue sur les ambivalences. D’abord dansant, entraînant, le titre prend une tout autre tournure à la troisième minute, lorsque les guitares électriques se mélangent aux voix. L’énergie devient plus lourde, plus grave, voire dramatique. A l’image de la belladone, cette plante toxique et enchanteresse, associée à la beauté, à la sorcellerie et à la mort.

S’ensuit « Lament », un morceau beaucoup plus sombre et introspectif, basé sur l’ancien chant folklorique anglais « Lyke-Wake Dirge ». Il décrit le voyage de l’âme après la mort, et, est illustré par un clip à l’esthétique cinématographique, que le groupe dédie à leur ingénieur du son Jürgen Schneider décédé en 2023. Le message de ce morceau est sans détour : la mort fait partie de la vie, c’est le cycle naturel des choses et personne n’y échappe.

Avec « Nimue », Faun nous entraîne dans une ballade envoûtante et mystérieuse. Cette figure de la légende arthurienne, qui piège Merlin dans une grotte, a été l’occasion pour le groupe de collaborer avec l’une des voix les plus charismatiques de la scène dark folk actuelle : Chelsea Wolfe. Un titre très difficile à composer, qui a failli finir aux oubliettes tant l’équilibre à trouver entre les deux univers musicaux était difficile. C’est un pari pourtant très réussi, la voix si caractéristique de Chelsea instaure à merveille une dynamique mystique voire presque surnaturelle, au morceau.

Alors que le titre « Blot » nous plonge dans les rituels de sacrifices Vikings, « Zauberin » explore l’archétype de la sage-femme. Ce morceau, l’un de mes favoris, dégage une énergie très communicative. Il puise son inspiration dans diverses cultures païennes. Le groupe a choisi d’y intégrer un passage du « Llyfr Taliesin« , un poème gallois du XIVe siècle. C’est un titre transcendant, qui nous transporte grâce à de nombreux effets de voix, entre le chant, le lyrisme, la récitation, voire l’incantation.

Avec « Lady Isobel », Faun nous offre une parenthèse intime et très personnelle. C’est une ballade racontant l’histoire d’une femme emprisonnée dans sa solitude. Portée uniquement par un luth et un duo de voix masculine et féminine, cette chanson suspend la dynamique de l’album pour nous offrir un véritable moment de poésie et de douceur. A contrario « Black Eyed Dog » apporte une énergie nouvelle. Il s’agit d’une reprise du titre mélancolique de Nick Drave. Faun y propose une relecture lumineuse, en y intégrant un court texte inspiré d’un poème de Ludwig Uhland. Cette version offre une perspective plus optimiste, joyeuse et positive que la version originale.

Le titre « Vals » marque une pause dans la structure de l’album. C’est un interlude musical sans chant, juste les instruments qui nous emmènent dans une valse suédoise, avec en spécial guest deux musiciens connus pour préserver les traditions musicales anciennes : Daniel Pettersson et Daniel Fredriksson,

Alors qu’avec « Ylfa Spere », Faun revisite un sort en vieil anglais du Xe siècle et choisit de mettre en lumière les aspects protecteurs de la sorcière, le titre « Hare Spell » plonge dans les confessions d’Isobel Gowdie, la reine des sorcières écossaises au XVIIe siècle, dont les récits de rituels et de sorts ont tous été conservés au travers des siècles. L’ambiance du morceau est sombre, les voix sont éthérées, on ne distingue pas si nous sommes dans un rêve ou dans un cauchemar tant l’atmosphère est inquiétante.

Le titre « Umay » est le fruit d’une collaboration avec la chanteuse turque Fatma Turgut, et rend hommage à la déesse de la terre et de la fertilité. Inspiré d’un ancien chant folklorique turc, il s’agit d’une ode à la nature et à ses forces créatrices. Les voix sont puissantes, très émotives, les rythmes orientaux nous transportent directement dans un univers où Faun fusionne avec maestria les traditions musicales turques aux sonorités païennes.

Enfin, « Alfar » vient clore ce bijou musical avec une réinterprétation de la ballade danoise « Elvehøj », où il est question d’elfes et d’esprits de la nature. Quoi de mieux pour conclure un album qu’une dernière légende nordique ?

 « Hex » est une sorte de grimoire musical qui nous transporte au cœur des mythes et des légendes anciennes. C’est un album complexe, profondément enraciné dans des traditions oubliées, dont l’ambition est de réhabiliter la figure de la sorcière, non plus comme une menace, mais comme une gardienne des savoirs. C’est redonner vie à une sagesse oubliée, et c’est un hommage respectueux et profond aux femmes qui ont été injustement condamnées.

Musicalement, c’est un opus beaucoup plus sombre et introspectif que les précédents. L’ambiance des compositions et la dynamique de l’album sont plus ritualisées, comme si chaque titre était une incantation. À travers cet album, Faun ne se contente pas de revisiter le folklore, il le réenchante, le questionne, et nous tend un miroir : celui de nos peurs, de nos croyances, et de notre rapport à l’invisible.

*Faun feat. Chelsea Wolfe – « Nimue »

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