
Pirates, corsaires, flibustiers et autres forbans, venez écouter Ye Banished Privateers. Ils content vos aventures, vos vies sur les mers et dans les ports. En ce vendredi 11 avril 2025, c’est la sortie de ‘Til The Sea Shall Give up Her Dead, sixième album (le quatrième avec Napalm Records) de ce groupe, ou plutôt de cette troupe originaire de Suède qui, pour cet opus, compte pas moins de 18 musiciens et chanteurs inspirés par le folklore nordique, celtique et marin de tous horizons.
Folk pirate ou pirate metal : à chacun de se faire sa propre opinion. En effet, ici, pas de guitare saturée, pas de batterie au rythme endiablé, mais des instruments allant du violon, de la flûte, de la guimbarde, de la mandoline, au sitar et autres instruments traditionnels. Si vous êtes marin, fan de fantaisie à la Jack Sparrow, du Jolly Roger, des Révoltés du Bounty, ou amoureux de tous ces vieux loups de mer mal famés, cette musique et ces chants sont pour vous.
Pour cet album, Ye Banished Privateers nous immerge dans les légendes, superstitions et croyances des marins anglo-saxons. Le groupe nous émeut en abordant la douleur qui peut être ressentie par la perte d’un ou plusieurs êtres chers que la mer nous aura pris, et nous parle d’un passé maritime peu glorieux du royaume britannique au 18ᵉ siècle.
Le disque s’ouvre avec « The Cranker », une musique célébrant le retour au port après une dure excursion récompensée par un butin. Il y a le rhum, les musiciens et surtout ce joueur de vielle à roue, au grand chapeau noir et aux yeux rouges. La musique transcende l’équipage et masque la vraie nature de cet homme aux pieds de bouc. Ils sont ensorcelés, continuant de danser dans le sang issu de leurs camarades tombés d’épuisement. Les autres se jettent par-dessus bord ; ils ne rentreront jamais. Un rire maléfique (en fin de morceau) retentit, il a réussi, ils sont maudits.
Les trois titres suivants sont des ballades, volontairement regroupées, car elles nous parlent de la douleur ressentie à cause des vies prises par la mer. Toutes les personnes ayant des proches marins ressentent cette angoisse, et ici les textes parlent vrai. Tout d’abord, « Waves Away », deuxième titre de l’album. Une ouverture avec des chants d’oiseaux marins, la mer et son ressac et le chant féminin nous emporte. C’est doux et triste. Elle nous conte la douleur de cette femme qui a perdu son mari pêcheur emporté par la mer. Elle décidera de la rejoindre. « As the Tree Falls » est un titre empreint de symbolique, de mythes et de légendes au travers du sorbier, arbre empreint de croyances et de légendes. Sur la terre plantée à côté d’une maison (le foyer et l’amour du couple dans le texte), il est l’arbre protecteur contre les tumultes de la vie et les mauvais esprits. Un guide, un phare dans la brume et l’obscurité de nos vies. En mer (l’homme du foyer est obligé de prendre la mer), les marins emmenaient un morceau de sorbier comme talisman protecteur des tempêtes et naufrages. Le sorbier est associé à Thor, qui l’utilisa pour se sauver des eaux tumultueuses. La chanson remet en cause la protection et les croyances envers cet arbre. Le sorbier tombe, déraciné, le bateau coule, le talisman n’y fait rien. L’homme meurt, le foyer est meurtri. « Sailmaker’s song » est un hommage au fabricant et réparateur de voiles mort d’une balle perdue. On lui souhaite d’aller à Fiddlers Green (un outre-monde paradisiaque dans la marine anglo-saxonne) ou Tir na nog (en gaélique, la terre de l’éternelle jeunesse).
Les titres suivants sont sur l’histoire maritime de l’empire britannique, glorieuse ou pas. « A Final Toast for Oliver Cromwell » est un hommage ironique à celui-ci, l’une des figures les plus controversées des îles britanniques ; je vous laisse découvrir son histoire afin de mieux comprendre le du texte. Ici, on retrouve une ambiance très festive, l’ambiance typique des tavernes issue de notre imaginaire collectif. Le 7ᵉ titre , « Whydah Galley » est le nom d’un bateau négrier coulé par une tempête. La chanson est une narration d’un des marins survivants enfermés dans une prison à Boston pendant la guerre d’indépendance, embarqué comme charpentier sur le Whydah ou Ouidah (nom d’un port du Bénin), au départ de Londres avec sa cargaison d’esclaves issu du commerce triangulaire transatlantique. Le Whydah sera capturé et transformé en bateau pirate par le pirate Samuel Bellamy. Ce morceau est suivi par « Chained Below ». Un autre moment peu glorieux. Des familles entières sont capturées pour être emmenées en Amérique pour servir de mains-d’œuvre dans les colonies. « Here’s to the Royal Navy » explore la vie d’un marin embarqué comme corsaire au service de l’Angleterre à moindres frais. Dans l’album, ce pourrait être le titre transitoire entre ceux qui pillent légalement et les pirates qui pillent illégalement. Nous retrouvons l’ambiance festive qui contrebalance avec la rudesse de la vie de ces marins. Et justement, la vie de ces autres marins mal famés est narrée dans « Raise Your Glass » ; ceux qui un jour rencontreront peut-être Davy Jones. Dans « A Hardworking Crew », des corsaires se retrouvent à combattre les tuniques rouges. « Mates Together » évoque un marin voulant devenir baleinier qui fut engagé contre sa volonté comme corsaire, et qui fera « carrière » en suivant plutôt les règles des pirates.
« Ships Lost at Sea » est particulier. C’est une litanie au rythme qui nous rappelle ces musiques jouées à l’orque de barbarie, vous savez, dans ces films un peu stressant, pour nous emmener vers de sombres situations. Là, c’est un homme luttant pour ne pas couler. Il se compare aux bateaux perdus en mer dont personne ne s’est préoccupé. Toutefois, malgré la tempête il est toujours là, mais jusqu’à quand ?
Cet album est une ode, un plébiscite aux marins quels qu’ils soient.
Si cet univers vous enthousiasme, venez les retrouver à Paris au Trianon le 21.09.25 et à Lyon à la Rayonne le 03.10.25.
Bon vent.